samedi 19 novembre 2011

Les subprimes et Mittal...

Les subprimes, c'est un histoire d'emballement de la bourse pour des prêts accordés à des gens qui n'avaient pas les moyens de les rembourser pour acquérir des biens immobiliers. Une tromperie non pas sur la marchandise, mais sur la capacité de la payer, avec l'illusion que la valeur du bien garantissait emprunteurs et prêteurs de tout défaut. Ca a fonctionné tant que le prix de l'immobilier s'est gonflé avec une bulle qui a accompagné celle des prêts, se renforçant l'une l'autre dans un effet Larsen.

Dans la sidérurgie, on a assisté au même phénomène, en 2006, quand l'économie s'est envolée, en particulier la demande d'acier, que les mineurs n'ont pas pu suivre et donc que les prix ont explosé, minerai, coke (de 80 à 500 €/t) mais aussi acier.

La famille Mittal, à l'affût d'investissements pour alimenter sa croissance externe, a lancé sa célèbre OPA sur Arcelor, que les investisseurs éparpillés ont accepté, les analystes expliquant que la prime à l'achat était avantageuse (26,9 G€ à 40,37€/action).

L'affaire conclue, les prix ont continué à flamber et le cours de l'action d'ArcelorMittal (AM) a suivi, remboursant ainsi largement le prix d'achat d'Arcelor. Les autres sidérurgistes ont été emportés vers le haut dans cette bulle et la profession entière s'est dopée à l'optimisme, pendant qu'on admirait la finesse d'analyse de Mittal, qui avait vu cette évolution avant les autres et en avait profité pour doubler la taille de sa maison - c'est ainsi en tout cas que l'histoire a été racontée.

Evidemment, la bulle n'était pas identifiée comme telle à cette époque, où l'on parlait de retour de l'industrie de l'acier à sa vraie valeur, etc. (violons), un discours d'autant plus facile à croire que la sous-évaluation des actifs de l'industrie est une constante mal ressentie par les industriels. Riche de l'explosion de sa valeur patrimoniale, ArcelorMittal a poursuivi sa croissance boulimique, avec cette vision prophétique qu'il était urgent de se préserver des à-coups des marchés de matières premières en s'intégrant vers l'amont et donc en enfilant les habits de mineur. L'histoire est remplie de professions qui ont émigré loin de leur coeur de métier et ont réussi ce pari, LOL ! Les achats ont été réalisés à coups d'emprunts que les banques octroyaient bien volontiers à une entreprise, riche, visionnaire et si bien gérée. Garanties sur la valeur de la société.

Arrive la crise de 2008. Le groupe AM fait preuve d'habileté, puisqu'il réussit à maintenir sa rentabilité tout en réduisant sa production de 50% - ce que font aussi les concurrents. Et il continue à acheter mines de fer et de charbon et à lancer leur mise en exploitation à des coûts fantastiques.

Une courte pause est nécessaire pour indiquer en quoi les métiers de sidérurgistes et de mineurs sont différents :
  • dans le premier cas, une gestion à court terme est nécessaire, pour adapter la demande à l'offre.  La crise de 2008 a montré que la marge de manoeuvre était beaucoup plus large qu'on ne l'avait pensé par le passé. On est donc dans ce métier sur une temporalité courte, même si la gestion des investissements exige une vision à plus long  terme - mais on n'investit pas beaucoup dans la maison AM hors croissance externe. 
  • dans le second cas, il faut une temporalité beaucoup plus longue, pour identifier, acheter et mettre en exploitation de nouvelles mines (une dizaine d'années), puis pour en gérer la production.  
La complémentarité de ces deux temporalités n'est pas évidente, comme le désengagement de Rio Tinto de ALCAN vient de la mettre en évidence une fois de plus. Parenthèse fermée.

La bourse et ses analyses, qui voient les marchés de l'acier croître moins vite que par le passé - en tout cas ceux où AM est implanté - croient de moins en moins à la santé future du groupe et le prix de l'action baisse de 62 (62,89 € le 23/06/2008) à 13 € (13.075 € le 19/11/2011) ce qui met la valeur du groupe et ses 1,5 milliards d'actions à 19,5 G€, soit les deux tiers de ce qui a été payé pour racheter Arcelor, qui n'en constitue qu'une petite moitié).

A ce point de l'histoire, le scénario ressemble diablement à celui des subprimes. On a emprunté beaucoup d'argent, gagé sur le prix d'une entreprise qui vaut aujourd'hui 5 fois moins cher.

Alors, que nous réserve l'avenir ?

Les analystes financiers annoncent encore une prévision de cours de 60€/action pour AM : l'économie va passer le gros ralentisseur qui est sur la route et se remettre à rupiner semblent-ils dire.

Ailleurs, c'est la cacophonie, où on mélange tout. Côté Krugman, pour qui j'ai un faible, la crise de 2008 ne nous a jamais quittés et on n'en sortira pas sans une relance 3 ou 4 fois plus forte que celle de 2009. De l'autre côté, les moralistes, qui assimilent l'économie à un monde biblique, comme les républicains US ou les Chrétiens démocrates allemands, pensent que la vertu et l'effort sont nécessaires le plus vite et le plus dur possible. Evidemment, à force de saigner le malade, il va finir exsangue et cela peut très vite conduire au comas irréversible.

Que va-t-il arriver à AM pris dans ce maelström ?

Si tout va très bien, madame la marquise, l'économie va se ressaisir : les pays émergents, qui donnaient des signes d'essoufflement, vont repartir comme en quarante et les pays développés afficher des croissances faibles mais pas nulles. La production d'acier remonte, même en Europe, et on se ré-endort en attendant la prochaine tempête. Les élections démocratiques vont continuer à pratiquer les chaises musicales en ramenant les oppositions, quelles qu'elles soient, au pouvoir. Les actions de AM vont remonter, mais 60€ me paraissent complètement délirants, à moi qui ne suis pas un analyste boursier.

Si la crise se durcit, alors sauve qui peut ! La bourse va plonger, les banques vont manquer de liquidités, les états européens d'abord et tous ceux qui ont de fort déficits budgétaires et commerciaux ensuite, vont tomber en faillite. Scénario crise de 29, relisez vos livres d'histoire. Les usines vont fermer, les entrepreneurs sauter par les fenêtres (c'est pour cela qu'il vaut mieux avoir un bureau dans un petit hôtel particulier en Europe, que dans un high rise àWall Street). Les indignés vont attraper les banquiers et les attacher à la lanterne, morts ou vifs, avec ou sans leurs attributs masculins.

La vérité est probablement quelque part entre ces deux scénarios très contrastés, elle l'est presque toujours.  AM peut abandonner l'Europe, c'est-à-dire fermer ses usines ou les vendre, à supposer qu'il y ait acheteurs. Ou simplement dégraisser, belle expression, et ne garder que ce qui fait sens pour eux. Ou encore se battre, pour que ce soient les concurrents qui ferment leurs usines...

Oh, que je voudrais avoir une boule de cristal et des histoires plus optimistes à raconter !





vendredi 18 novembre 2011

De quoi parle la politique...

et ceux qui la commentent, comme d'abord la presse ?

Elle, ils parlent de soi, d'eux-mêmes, de leurs rapports compliqués entre eux, immédiats, tactiques, de fait de pouvoir, immédiat, sur le terrain, guidon de vélo.

Cette histoire de négociation entre le PS et les Verts, dont j'ai parlé hier, a été analysée dans la presse avant tout comme un rapport de force entre les deux partis, souvent synecdotisés dans leurs leaders - ou dans deux leaders, ce qui apporte une dimension supplémentaire de commentaire facile.

Qui a marqué un point, pris le pas sur qui ? C'est une course, une compétition sportive, métaphores policées d'un combat ou d'une guerre. Peu importe le sujet de l'échange - de balle, LOL, seul le débat importe et son issue, qui sera essentielle pour les 12 heures ou les 72 heures qui viennent, puis on reprendra la narration là où on l'avait laissée. C'est le narratif qui prime, le fil de news ou le flux RSS que cela engendre, espèce d'ADN qui porte la réalité, visible mais en même temps cachée.

A un niveau plus politique on peut peser Duflot contre Hollande ou Duflot contre Joly ou contre Cohn Bendit, mais cela aussi laisse le fond du débat de côté. L'avenir ne s'inscrit pas seulement au travers des partis politiques, qui portent en principe la vie dite démocratique, mais des questions que cette vie démocratique doit abordée en vue de les résoudre. Tellement banal et évident et si peu abordé !

 Le fond, donc, ce sont ces partis politiques qui parlent de mix énergétique pour la France en 2050 et au- delà. Ce sont des questions essentielles et complexes. Ceux qui en parlent ont besoin d'une expertise qui dépasse le simple bon sens. Or, le discours politique se place au niveau du bon sens et nie ainsi la complexité du monde, mais surtout l'intelligence et la culture des citoyens et les années d'éducation formelle et sur le terrain qu'ils ont reçues.

On ne peut donc pas savoir si les politiques ont cette expertise ou y ont accès. Accès, sans aucun doute, car cette expertise est partout, mais ils ne donnent pas beaucoup de preuves de s'en servir ni même de la comprendre. Premier point.

Ensuite, qui doit "débattre" de ces questions ? Aujourd'hui les débats sur le sujet sont sans fin, dans toutes sortes de milieux, y compris des milieux académiques - lesquels d'ailleurs qui fonctionnent dans des communautés fermées.

Mais, concrètement, le cours des choses est porté par des courants historiques, dont la maîtrise n'est pas acquise, euphémisme, car elle n'existe tout simplement pas : on est en présence d'un espèce de match sportif dans lequel plusieurs équipes jouent les unes contre les autres, avec des alliances, et seul le bookmaker peut éventuellement imaginer où cela va conduire.

 Donc doit-on échanger une centrale nucléaire contre une circosncription électorale et ainsi laisser les partis s'emparer de ce sujet ? Ou en débattre dans une assemblée du peuple, nationale ou locale, un Grenelle à la française, un Forum ou une agora ? Un referendum à la grecque ? Des journées d'études ? Des livres blancs ? Tout cela probablement tout en reconaissant qu'il serait stupide d'être trop catégorique, trop précis, car l'avenir dont on parle ici échappe largement à la pensèe et à l'action des myopes.

 Ce qu'il faut donc, c'est développer des lunettes contre la myopie. On peut les appeler, politique, philosophie, culture, érudition, modestie et ambition intellectuelle ?

mercredi 16 novembre 2011

Les Verts sont-ils écolo ?

Nicolas l'a échappé belle en quittant le bateau avant qu'il n'aille se fourvoyer dans les eaux troubles de l'idéologie, du dogmatisme, de la dialectique d'extrême gauche et de la bêtise !

L'accord de marchandage électoral que le PS et les Verts viennent de signer est une pure aberration. Sous prétexte de se partager un gâteau qui n'est pas encore cuit, voici nos amis verts qui ressortent leurs certitudes, leurs fantasmes et leurs rêves à propos de politique énergétique, font du chantage à leurs camarades de gauche un peu coincés et rafflent au passage 60 circonscriptions, à partir desquelles ils vont pouvoir monter une grosse machine de propagande aux frais des contribuables, sous couvert d'un groupe à l'Assemblée nationale. On voit bien l'intérêt des Verts, moins celui du PS...

Quel est le problème écologique majeur auquel nous sommes confrontės ? Le changement climatique. Où en parle-t-on dans cet accord - ou dans le discours politique actuel en France? Nulle part !

Cela disqualifie les Verts de se présenter comme un parti écolo - et ne rejaillit pas positivement sur le PS non plus.

Les Verts doivent donc changer de nom : Verts de gris ? Verts à sabler le champagne ?

Il y a aussi cette bizarre attitude qui consiste à penser que les partis politiques doivent décider de la politique énergétique de la France ! Comme si cela allait de soi, à la Pompidou, alors que ce qu'a fait Pompidou - choisir le nucléaire -l'a été il y a 50 ans et que cela ne peut pas sérieusement servir de modèle, à moins qu'on renonce à toute prétention de modernité.

En outre, en 2012, on ne peut guère décider d'option énergétique dans le vide, sans penser à un bouclage global, au niveau des énergies et au niveau de la planète ! Et ce genre de "décision" ne peut pas être pris par une faction, une fraction des parties prenantes. Qui pire est, sans débat, au nom d'évidences qui n'en sont pas et qui préemptent tout échange et toute analyse.

Le monde est bien plus compliqué que les Verts ne le pensent, encore plus complexe qu'ils ne le sont eux-mêmes !

samedi 12 novembre 2011

Prestidigitation financière, économie réelle et crise

Que diable se passe-t-il dans le monde ? Crise ? Changement majeur de paradigme par rapport aux marionnettistes qui tirent les ficelles du monde ? Pas simple de s'y retrouver dans un univers saturé d'information et néanmoins largement dépourvu de sens : "savoir sans comprendre n'est que ruine de l'âme" aurait pu écrire Rabelais ! Si l'on écoute, tout se dit, tout est dit tellement il y a d'experts dans le monde et tellement la presse leur donne la parole; mais façon micro-trottoir, à la charge de chacun d'y retrouver ses petits ou une pensée cohérente !

En ce moment, c'est l'Europe qui trinque, ce qui est probablement une vision euro-centrique des choses.
On nous explique, en Europe, que les états se sont endettés au delà du raisonnable, et qu'il faut cesser de le faire, durablement, à grand renfort de plan de rigueur, de coupes sombres dans les dépenses des états et d'augmentation des impôts.
L'explication est un peu courte, car l'endettement est la source principale de la croissance, la croissance de la richesse collective, la croissance économique et la croissance du niveau de vie, toutes choses pas équivalentes mais très corrélées entre elles.

Ce sont les banques, qui ont le rôle de prêter de l'argent, en créant de la monnaie qu'elles n'ont pas, un droit que le pouvoir régalien leur accorde da façon assez extraordinaire. Elles créent de l'argent pour prêter à l'économie, aux États et au monde financier. Elles décident aussi du meilleur moment pour rappeler les sommes prêtées, au travers des taux d'intérêt des prêts, et des mécanismes techniques de refinancement des dettes. En ce moment, les banques rappellent les prêts souverains de certains pays européens, sur la base de la "confiance", qu'elles leur accordent. Les notes des agences internationales de notation les aident à raisonner, mais le rapport n'est pas vraiment direct, car, par exemple, les États-Unis paient des taux inférieurs à ceux de la France, bien que leur "note" soit plus basse (AA au lieu de AAA).
Les Etats, ou plutôt les banques centrales qui émettent de la monnaie, ont aussi le pouvoir de créer de l'argent, comme des alchimistes - encore qu'eux prétendaient créer de l'or, ce qui est bien mieux ! Mais, en Europe, les Etats ont abandonné ce privilège, pour ceux qui font partie de la zone Euro (ZE), alors que les USA (8,8% du PIB), le Japon (7,7%), l'Angleterre (10,2%), qui ont des déficits budgétaires beaucoup plus importants que l'Italie (4,6%) ou la Grèce (38,8%) ou la France (6,9%), en absolu d'abord et en relatif au PIB ensuite - à la Grèce près dont le poids est très faible. La moyenne du déficit mondial des états est à 5,3% du PIB et la dette moyenne à 59% du PIB.
Comme par hasard, ;-), ce sont les États, qui ont conservé une planche à billets active, qui résistent aux "attaques" ou à l'inquiétude des marchés financiers : ils peuvent en effet créer de la monnaie pour payer leur dette, ce qui provoque certes de l'inflation et un glissement de la valeur  de leur monnaie, mais "règle" la question. La Banque européenne, qui a les clés de la planche à billets en Euros, se refuse à utiliser cette méthode, pour des raisons qui mériteraient un blog entier, et donc les pays de la zone Euro sont traités par les marchés financiers un par un, comme les Horaces contre les Curiaces.  L'inquiétude des marchés financiers, comme on dit pudiquement, traduit le fait qu'ils s'interrogent sur la solidarité entre pays de la ZE et sur les raisons pour lesquelles ils tardent à mettre en place des instruments qui arrêteraient immédiatement le hallali, les euro-bonds pour commencer et un fédéralisme européen ensuite.
Voilà pour l'analyse conjoncturelle, macro-économique mais micro-temporelle.

Il reste quand même beaucoup de questions plus vastes qui méritent un peu plus réflexion.

1. La première est liée à la création de monnaie pour tirer le monde vers moins de pauvreté et un peu plus de bien-être, ce que les économistes assimilent largement à la croissance économique.
Aujourd'hui, si on compare la valeur de l'économie réelle (le PIB) à celle des actifs financiers et des instruments dérivés, on trouve des rapports de 1 à 3 et de 1 à 7 : l'économie financière, dans son ensemble, représente donc environ dix fois la valeur de l'économie réelle. Est-ce raisonnable, est-ce efficace, est-ce comme cela qu'on va créer moins de pauvreté ?
Pour construire l'avenir, on emprunte de l'argent, ce qui représente au niveau mondial 1,7 fois le PIB; si on y ajoute la valeur des actions placées en bourse, on ajoute 0,9 PIB, soit, l'un plus l'autre 2,6 fois le PIB.  On peut dire que c'est proche de la valeur des actifs financiers cités plus haut.  Évidemment, c'est beaucoup plus que mon endettement personnel, car, en bon père de famille, je dispose d'un solde d'épargne net positif - mais cela doit bien aider les banques, avec l'effet multiplicateur lié à ces milliards de gens qui font comme moi dans le monde ! Mais par rapport au taux d'épargne des ménages, grossièrement hic et nunc autour de 10% de leurs revenus, la création de monnaie est plusieurs fois plus importante.
Ce qui semble poser problème, ce sont les instruments dérivés, dont la valeur est deux fois plus importante que celle des actifs financiers et 7 fois plus grande que le PIB. En principe, on devrait y voir le prix de l'assurance du risque, mais qui paierait une assurance aussi démesurée par rapport à ce que l'on veut assurer ? Même si on ne compare plus au flux qu'est le PIB, mais au stock que sont les investissements, le compte n'est pas encore bon, au moins d'un facteur deux ! Certains vont donc parler à ce propos de rémunération de la spéculation. Sans évoquer d'arnaque, on peut peut-être parler de bulle et prédire que cela étant largement le résultat de mécanismes réflexes des financiers, hommes et robots - comme chez Asimov, qui n'ont pas de "réalité" tangible, le phénomène va, un jour, disparaître dans le bruit et la fureur, soit ceux d'un crash, soit ceux des indignés qui iront suspendre les banquiers à la lanterne.
Il parait urgent de réguler la création monétaire du secteur financier dans le monde des produits dérivés. Comme ce n'est guère évident à faire, autant commencer tout de suite !

2. la deuxième question concerne l'économie réelle, le PIB donc.
La richesse créée dans ce monde réputé plus dur que le monde de la finance est-elle "raisonnable", c'est-à-dire équitable ou juste, pour parler simplement. Rien n'est moins sûr....
L'économie d'un côté créée des biens et des services dont une partie répond aux besoins dont la satisfaction définit le bien-être, alors qu'une autre partie est soit destiné à un petit nombre, comme le luxe, soit ne correspond qu'au bien-être des acteurs socio-économiques qui les produisent : je veux parler des produits de très médiocres qualité qui ont été imposés par des techniques admirables de commercialisation et de marketing, genre Windows pour ne citer qu'un seul exemple, des marges pantagruéliques que les intermédiaires marchands des chaines de valeur s'attribuent plus ou moins sans contrôle, ou des privilèges de certains groupes, comme les syndicats de la presse ou des dockers en France.

En outre, un autre effet, qui me semble assez peu discuté, est lié au niveau des prix dans des zones économiques données. Ainsi, le niveau des prix en Europe est très supérieur à celui qui prévaut en Afrique, par exemple, ce qui a une image miroir dans les revenus des acteurs économiques. Exprimer le PIB en PPP ne prend en compte que le rapport de ces deux choses, donc néglige complètement le dumping de hauts revenus, qui permet aux pays riches de se payer la producteur industrielle des pays émergents et les matières premières des pays pauvres. On parle volontiers dans les pays riches de dumping social, alors que ces mêmes pays ont une pratique inverse en faisant du dumping de "hauts revenus". 
Longtemps a existé un compromis international sur le fait que cette répartition des tâches au niveau de la mondialisation permettait de tirer les économies des pays pauvres vers le haut, mais les effets rebonds maintenant sont tellement importants qu'on a atteint les limites de ce système, me semble-t-il. Cela se traduit par des pays pauvres piégés dans la trappe de la pauvreté et par une paupérisation des pays dits riches, où la proportion des pauvres et des faibles augmente (contrairement à ce qui se passe aujourd'hui dans le reste du monde) car les riches deviennent plus riches.

Ces déséquilibres excessifs, ces bulles du monde économique réel, ont probablement eu un impact important sur la crise - celle de 2008 et celle d'aujourd'hui qui est probablement la même - et en auront de plus en plus dans l'avenir.

La crise actuelle relève donc d'une "perversion" des systèmes économiques et financiers inventés en occident et adoptés par le monde entier - ou d'une saturation de leurs effets positifs. Il est urgent d'en prendre acte et d'agir en profondeur, si l'économie doit participer au maintien et à l'augmentation du bien-être des personnes.

D'autant que l'avenir, ce n'est pas la crise économique ni sa résolution, ce sont les contraintes écologiques. Aujourd'hui, les climatologues annoncent sans que qui que ce soit semble beaucoup les écouter, que les 2°C de réchauffement, qui constituent le maximum tolérable sans dérèglement majeur de la vie en société telle qu'on la connait, ont très peu de chance (= n'ont strictement AUCUNE chance) de ne pas être dépassés. On constate en effet une accélération du changement climatique, qui serait sur une trajectoire de 6°C.  Une perspective proprement apocalyptique qui fait apparaître la vie sociale et politique actuelle comme un jeu de "fin de règne".

Il est bien dommage que ni la droite, ni la gauche, ni les écologistes (politiques) ne parlent de cela. Sarkozy Néron, Hollande Caligula et Joly, Lucrèce Borgia ???  Aucun ne ressemble physiquement à ces modèles, LOL, mais l'analogie est forte !!!





vendredi 11 novembre 2011

7 milliards de co-voyageurs...

Proposant un cours minimaliste de démographie, la presse a annoncé, la dernière semaine d'octobre 2011, que le 7 milliardième être humain venait de naître. L'assemblée annuelle de l'Académie Royale des Sciences et des Technologies suédoise aussi, ajoutant que c'était une bonne chose, que l'avenir allait être intéressant. On a même dit 1 milliard d'habitants de plus en 12 ans. Et pas grand monde ne s'est risqué à dire quand le prochain milliard surviendra et le prochain et jusqu'à quand cette croissance durerait. 

Passons quelques secondes à contempler cette merveille d'une population où les gens naissent et meurent en très grand nombre à chaque instant, et pourtant ce dimanche 30 octobre, un compteur qui n'existe pas a, semble-t-il, dépassé 7 dix puissance 9. Deux pays ont même annoncé que le 7 milliardième habitant était né chez eux. 

Ce chiffre de population est pourtant une abstraction absolue, car personne ne sait vraiment quelle est la population du monde à quelques millions d'individus près, elle varie tout le temps et il n'est pas sûr, qu'elle croisse tout le temps : de temps en temps, pendant quelques secondes, ou quelques jours, elle doit décroitre ! Elle l'a fait pour près d'un siècle au temps de la grande Peste, quand la population européenne, la plus grande du monde, a été divisée par deux. Elle l'a fait aussi au néolithique, quand les peuples se sont sédentarisés et ont pris l'habitude de faire beaucoup d'enfants, pour compenser la mortalité des tout petits, tués par les nouvelles maladies transmises par la promiscuité avec les animaux nouvellement domestiqués.

Quelque organisation, quelque part, a décidé de créer un évènement qui n'existe pas vraiment, qui n'est pas mesuré ni mesurable et d'annoncer cet événement majeur que la terre porte plus de gens qu'elle n'en a jamais porté. L'ONU ? Des gens qui portent un message malthusien ou au contraire des optimistes comme les Suédois, ou Francis Mer au WMP de Nancy ? La presse ne cite pas ses sources et c'est dommage. Un petit tour de main pour faire croire qu'elle n'est là que pour rapporter des évènements réels, all the news that's fit to print, et pas seulement des évènements préparés, éditorialisés, fabriqués.

La vraie question qu'on aurait pu aborder, c'est pourquoi 7 milliards et pas deux milliards ou 15 milliards. 

Ou encore, pourquoi la population croit-elle ? Pourquoi croit-elle en ce moment ? La croissance démographique est un fait relativement nouveau, qui n'a pas toujours été de règle, par exemple au temps des chasseurs cueilleurs : pendant des centaines de millions d'années, la population du monde est restée stable.  Ce n'est qu'avec l'arrivée de l'histoire, donc de l'écriture et d'une certaine prospérité, que la population a commencé à croitre, puis à exploser exponentiellement. Où est l’œuf, où est la poule ? Probablement ailleurs, dans des opportunités faites de hasards qui ont déclenché des évènements irréversibles, des machines à cliquets 

D'ailleurs, cette croissance de la population est celle de l'homme - c'est évident, n'est-ce pas ? Les espèces vivantes, elles, ne croissent ni en nombre, ni en volume, et sont même en déclin, un déclin très rapide avec cette cinquième destruction majeure de la biodiversité que les hommes scientifiques annoncent - grande découverte ? La croissance de la population n'est que celle d'une petite niche écologique. 

Si on s'en tient à l'histoire récente, la croissance de la population est due à la transition démographique, un grand mot, qui est un mot valise et qui n’explique pas grand chose. elle exprime simplement que la natalité n'évolue pas aussi vite que la mortalité, ce qui conduit à deux effets miroirs l'un de l'autre, plus de gens vivants et des gens vivant plus longtemps : en terme plus clairs, les gens meurent moins tôt et moins jeunes, alors que les naissances se poursuivent pendant un certain temps au même rythme.

Côté mortalité, il y a là les bénéfices de la "civilisation", cette flaque culturelle venue d'occident, qui s'est étalée sur le monde entier, à la faveur des grandes migrations européennes, des vagues de colonisation, des guerres (si, si !) et du commerce international. Les ONG, les religions et l'humanitaire ont aussi joué un rôle important dans cette campagne mondiale contre la mort, la mort immédiate, et donné une connotation positive à tout cet effort.

Mais il faudrait vérifier, dans cent ans par exemple, que la chasse à la mort immédiate, ne s'est pas faite au détriment de la vie des générations futures !

Techniquement, c'est la mondialisation de l'hygiène, dont l'un des inventeurs est par exemple Louis Pasteur qui "a fait naître les microbes" (Bruno Latour), qui a limité l'impact meurtrier des bactéries tueuses héritées des animaux il y a huit millénaires (plus quelques autres). Cela est dû en particulier à l'amélioration, partout où c'était possible, de la qualité de l'eau. On trouve en filigrane, derrière ce décors, l'action des grandes entreprises de chimie, vendeuses de molécules actives de chlore, preuve de leur action sociétale positive (comme on dirait aujourd'hui) et gage de la croissance de leurs chiffres d'affaire.

L'autre élément de cette réduction de la mortalité est la médecine et sa pharmacopée, mélange là aussi d’œuvre civilisatrice et d'immenses profits pour les industries de la chimie fine. Et, pour être juste, derrière la médecine, il y a la biologie sans laquelle les médecins ne seraient rien ! Pasteur était un biologiste, pour ceux qui l'auraient oublié !

Ces sont ces deux dynamiques qui ont déclenché la chute assez rapide de la mortalité, dans toutes les régions du monde et, par une effet vertueux, la croissance du niveau de vie, qu'on a pu longtemps confondre avec celle du PIB. Il y a des contre-exemples, cependant, comme Cuba, où la médecine et la pharmacie sont très développées alors que le PIB stagne (Cuba aide aussi beaucoup Haïti, hic et nunc).

La hausse du niveau de vie renforce hygiène et l'utilisation efficace de la médecine, même si elle a aussi aidé à développer des pathologies d'une autre nature, qui ne s'exprimaient pas auparavant dans un monde aux vies courtes : les maladies virales, les nouvelles maladies comme le SIDA et, surtout, le cancer. Le cancer a aussi une relation forte avec des lobbies industriels comme ceux du tabac. Celui du sucre a aussi pas mal de responsabilité sur un spectre de maladies plus large.

En résumé, la chute de la mortalité est due à l'occidentalisation du monde, à l’histoire assez mouvementée du 19è et du 20è siècle, pleine de conflits et de guerres, et à la mercantilisation des biens d'hygiène et de santé. Des phénomènes relativement rapides et qui ont bénéficié de l’accélération du temps dont on se plait à parler en relation avec notre monde moderne et post-moderne.

Quid de la natalité ? Elle n'a pas réagi aussi vite : ce n'est que dans les pays où le niveau de vie a monté de façon nette, ce qui prend du temps, qu'elle a régressé au point d'ailleurs de tomber ici et là en dessous du taux de renouvellement de la population locale. De fait, la corrélation est peut-être plus forte avec l'éducation qu'avec la richesse, et probablement encore plus avec l'éducation des femmes.  L'effet sur les individus est là aussi très rapide, comme le montre la chute de la natalité dans les populations immigrées en Europe occidentale : ce sont les sociétés qui évoluent plus lentement.

Le résultat de tout cela est que les pays riches ont une croissance démographique lente, voire stagnante ou négative, alors que les pays pauvres croissent très rapidement et que les pays émergents sont en transition, avec des pics de population annoncés à terme court pour la Chine et l'Inde par exemple. Cela a conduit le peuplement de la planète à se déplacer vers l'Asie, ce qu'on traduit habituellement en disant que le c'est le centre de gravité économique qui s'y est déplacé, une confusion de nature synecdotique. Au siècle prochain, le 22è, ce sera, peut-être, au tour de l'Afrique de prendre un rôle de leader sur la planète, si le sida, le paludisme et le changement climatique lui en laissent l'occasion.

Les propos cinophobes qu'on tient en Europe, pas seulement dans les milieux xénophobes et ethnocentriques, sont liés à cette "découverte" que l'action qu'on a dit civilisatrice de l'occident (...!) a conduit à déplacer le pouvoir du nombre (d'habitants et de dollars/yuans) vers l'extrême orient.

De fait, c'est à un réexamen du rôle historique de l'Europe, que cela devrait conduire. Car, au premier siècle de notre ère, deux villes dans le monde dépassaient 1 million d’habitants : Rome et Pékin/Beijing. Nous sommes donc revenus, après deux mille ans, à une réalité historique ancienne !

On pourrait aussi se dire que si l'Europe et l'Occident avaient exporté l'éducation pour les femmes aussi efficacement que leur eau de javel ou leurs antibiotiques, la planète ne serait pas aussi peuplée qu'elle l'est aujourd'hui. Ni aussi urbanisée, ni aussi créatrice de nouvelles maladies, etc. Peut-être la biodiversité se porterait-elle mieux également.

Mais sauf à adhérer aux nouvelles théories de la physique qui parlent d'explosion de réalités parallèles (e.g. Hawking), et de le faire de façon quasi-littérale, ce genre de remarque relève, un peu, du café du commerce. La passé est mort ou appartient à des réalités auxquelles nous n'auront jamais accès et seul l'avenir est en face de nous. Nous pourrions peut-être, grâce à la politique et au bon sens, avoir une influence sur lui... ?

En commençant cet article, je me demandais si la croissance démographique avait un rapport avec le flèche du temps.  Je n'en sais rien du tout et c'est de fait peu probable, puisque la croissance de la population devrait se terminer dans le courant de ce siècle. Du fait de la fin de la transition démographique ou, pire, de catastrophes liées à la croissance démographique qui pourraient siffler la fin du jeu ou de la partie !


dimanche 14 août 2011

Un instant de démocratie - républicaine, bien sûr - dans la commune de Semécourt


Dans son bulletin d'information distribué début août à chaque foyer de la commune, le maire nous informe d'une décision du conseil municipal du 29 juillet dans laquelle il s'est prononcé à l'unanimité pour approuver le schéma de coopération intercommunale du département de la Moselle. Exercice de communication rapide et réactif de notre grand édile !

Voilà un sujet intéressant, qui engage l'avenir et qui pourrait donner une occasion assez rare de réfléchir au rôle de la commune dans sa communauté géographique pour de nombreuses années.

Qu'est-ce qui a été vraiment décidé ?

C'est un peu difficile à comprendre, car il n'y a pas de carte dans le bulletin, ce qui aurait le cas échéant pu aider à visualiser ce que devrait être la nouvelle communauté de commune - les services de la municipalité ne doivent pas savoir qu'on peut facilement inclure une image dans un petit texte. D'autant qu'une carte très claire est disponible sur le site de la préfecture et qu'on peut la copier en deux clics !

http://www.moselle.pref.gouv.fr/index.php?articleid=1353

Il s'agit donc d'approuver la création d'une intercommunalité ayant la forme d'un croissant et qui couvrirait une zone située au nord de Metz et s'étendant sur un arc d'une vingtaine de kilomètres vers l'est et vers le sud, comme un exercice stratégique de contournement de Metz Métropole, la CDC de la ville chef lieu.

Tout cela, vu par l'Etat, a deux objectifs : moderniser le pays en lui donnant des structures administratives qui fassent sens pour planifier et construire l'avenir et qui réduisent les coûts de fonctionnement d'entités administratives trop petites et trop nombreuses.

Vu du conseil municipal de Semécourt, selon le bulletin, il s'agit d'éviter les augmentations d'impôts, un leitmotiv permanent de toutes nos municipalités, à égalité de service: c'est un principe classique de politique de droite, international qui plus est (cf. les républicains aux USA), qui se présente comme la meilleure façon de préserver les habitants de la Commune de la boulimie budgétaire des voisins. Un double principe de gestion en bon père de famille et de nationalisme appliqués à notre petit univers.

Il y a beaucoup à dire sur ce principe, dans le cas de Semécourt. Permettez-moi donc une première incidente.

On paie certes moins d'impôts à Semécourt qu'à Metz, mais on n'a pas grand chose non plus en retour. On ne peut faire de courses sans utiliser une voiture, les ordures ne passent qu'une fois par semaine, il faut descendre ses poubelles sur une centaine de mètres pour qu'elles soient ramassées - pas facile si on marche avec des béquilles comme j'en ai fait l'expérience ces dernières semaines, la fréquence des cars qui vont vers Metz ou Maizières est aussi pauvre qu'il y a 30 ans, la mairie n'est ouverte que deux heures par jour, etc. Par contre il y a des bacs à fleurs, assez laids, sur les trottoirs, et on va se doter d'un terrain de foot en pelouse synthétique! Je ferme la parenthèse. )))

Donc, la municipalité et le conseil ont décidé qu'ils avaient plus envie d'être en relation étroite avec les communes de Saint Hubert ou de Pange, qu'avec Woippy ou Metz ou encore Bronvaux et Saint Privat.

Quel sens caché cela peut-il avoir ? Parce que l'analyse qui a conduit à cette décision ne nous est pas donnée dans le bulletin sus-cité.

S'agit-il d'exprimer que la cohérence territoriale que l'on souhaite est concentrique à la métropole régionale à laquelle on refuse d'être associé, et non radiale ? Semécourt ne voudrait pas être en bout d'un axe qui va vers la cathédrale, mais préfèrerait la ruralité ? Quitte à sauter la Moselle et sa vallée, dont on nierait ainsi le caractère structurant et à aller jusqu'aux forêts "sauvages" de l'est de Vigy et d'au-delà de la vallée de la Canner ? Mais sans monter vers le plateau lorrain à l'ouest ?

Je ne sais guère décrypter ce choix plus avant, car il me parait peu réfléchi, non conforme à la réalité géographique et géopolitique de notre micro-région et mal adapté pour faire face aux vrais défis que nous avons devant nous.

Deuxième incidente, cette information qui arrive après coup, sans que les enjeux aient été expliqués à la population et qu'un vrai débat ait été instauré pour conduire à une décision comprise par tous, c'est de la démocratie rétroactive, une nouvelle forme de gouvernance où on informe les habitants après coup, un peu comme cela se pratique dans les entreprises ou les organisations centralisées - là où il n'y a pas de démocratie.

L'équipe, qui gère habituellement les affaires courantes, vient de se prononcer sur le grand avenir avec la même pauvreté de pensée et d'analyse! Hou là là !!

Quels sont les vrais enjeux de l'avenir, pour Semécourt ?

J'en vois trois, qui grossissent très vite et vont décider de la vie et de la mort d'une commune comme la nôtre. Et probablement aussi de la vie et de la mort de certains d'entre nous. De vrais enjeux donc, qui méritent quelque réflexion et une préparation adéquate.

D'abord le changement climatique, qui va structurer l'espace habité, par un prix du carbone que nous paierons en coûts de transport et en coût de confort (chauffage par exemple) dans nos habitations. Cà veut dire simplement que le coût des déplacements quotidiens pour le travail, l'école, les courses, les soins vont devenir d'autant plus élevés et insupportables que nous serons éloignés des centres d'activité correspondants et des axes de circulation facile et à bas carbone pour les rejoindre. Une commune proprement rurale aura ainsi un statut très différent d'une commune urbaine ou péri-urbaine. Incidemment, cela se traduira concrètement en termes de valeur des propriétés et de ressources fiscales des communes ou des CDC. Les maisons en territoire rural perdront de la valeur et on peut même imaginer que des communautés entières soient abandonnées, comme cela s'est déjà produit dans le monde.

Ensuite le vieillissement de la population, qui va sédentariser de plus en plus de gens, qui auront peine à simplement vivre dans un espace structuré autour du déplacement en véhicule individuel. Il ne suffira pas d'organiser deux soirées dansantes pour le troisième âge chaque année pour maîtriser cette question !

Enfin, la disparition de la biodiversité. Qu'on l'ait voulu ou non, on a laissé s'établir un tissu continu de zones construites, dont fait partie Semécourt, et les zones naturelles, je veux dire proprement rurales, y sont devenues des îlots isolés. On doit donc fournir des bacs en béton pour les fleurs et remplacer le fonctionnement naturel des écosystèmes par des équipes de jardiniers qui offrent une métaphore de la nature aux habitants. Les oiseaux ont presque tous quitté le village, sauf les monstres, c'est-à-dire les pies, les corbeaux et les tourterelles. Les arbres sont chassés, étêtés ou coupés, car ils envoient, fort méchamment, des feuilles dans les chenaux des maisons. Les parcelles individuelles dans le village sont fragmentées et isolées par des murs, des barrières, des grillages, qui empêchent la circulation des animaux "sauvages": depuis quand avez-vous vu des chevreuils, des renards ou même des lapins dans les jardins ?

Quel est l'espace cohérent auquel appartient Semécourt ?

Très simplement, le sillon mosellan, qui s'étend d'Epinal à Luxembourg.

Ce qui n'était qu'une vue de l'esprit au 20è siècle, est devenu maintenant une réalité "construite" avec un ruban continu de bâtiments résidentiels ou industriels s'étendant des Vosges au Luxembourg, une conurbation de plus de deux millions d'habitants. C'est dans ce sillon que s'est organisée la vie économique et sociale, avec les autoroutes, les voix de chemin de fer, les voies de navigation, les aéroports, les centres administratifs, les universités, les théâtres et les musées, beaucoup d'industries et encore plus de services, comme tous ces supermarchés un peu surabondants.

De façon plus concrète, c'est la ville de Metz qui est l'attracteur essentiel de Semécourt, mais aussi les villes en aval, comme Talange, Amnéville, Rombas, Hagondange.

On se dirige vers une vallée de la Moselle organisée autour de grands centres régionaux, à caractère urbain, qui seront reliés entre eux par des liaisons régionales : donc Metz, Nancy, Thionville/Luxembourg, Epinal, Pont-à-Mousson.

Le vrai choix est donc de se situer ou non dans ces centres majeurs. Difficile pour Hagondange, mais beaucoup plus facile pour Semécourt!

Si l'on faisait ce choix à Semécourt, on aurait accès à un système de transport urbain qui irriguerait une zone à activités denses et diversifiées, une vraie ville donc. Le prix de l'immobilier augmenterait. Les services commerciaux, sociaux et culturels auxquels aurait accès la population seraient décuplés : les impôts augmenteraient probablement dans l'absolu, mais pas en parité de pouvoir d'achat, en rapport coût/bénéfice.

D'ailleurs, ce choix a déjà été fait quand la municipalité précédente a décidé d'accueillir Auchan sur le territoire exigu de la commune - dans un autre exercice de démocratie rétroactive - et un noeud autoroutier majeur plus une zone commerciale comme celle d'euromoselle sud... On a manqué alors l'occasion de penser à la biodiversité, aux arbres, à la continuité du tissu et de l'écosystème rural, et de les installer dans notre réalité quotidienne, sans pour autant nous transformer en hommes des bois !

Le bon sens plaide donc aujourd'hui en faveur d'une logique nord-sud, plutôt qu'est-ouest, et en faveur aussi du tropisme de Metz, dans le fait de choisir la ville et ses activités plutôt qu'une ruralité péri-urbaine hybride, bancale et pauvre; puisque la vraie ruralité n'a plus de sens pour nous, compte tenu des choix que nous avons déjà faits.

Le bon sens plaide donc en faveur d'un rattachement à Metz Métropole. Adieu les bois profonds de Saint Hubert, les vallées lointaines du pays de la Nied, les horizons d'outre Moselle, si peu accessibles quand les ponts sont si rares !

En échange, on gagnerait une intégration à une nouvelle ville, qui deviendrait moderne, c'est-dire facile à vivre pour ses habitants.

Les transports en commun y seraient accessibles depuis Semécourt; une vie de quartier s'y développerait avec des magasins accessibles à pied pour vivre au quotidien - ou en chaise roulante; on pourrait s'y déplacer en transport doux, comme le vélo - on construirait pour cela de vraies pistes cyclables utiles pour la vie économique, donc pour aller au travail ou à l'école, pas de simples circuits de loisirs, comme ces boucles fort étranges qu'on a vu fleurir dans la Communauté de Commune de Maizières, aussi hétéroclites que le tracé de la CDC. Cela demanderait de faire des choix en faveur des vélos et contre l'automobile : on pourrait ainsi envoyer en bicyclette les enfants au collège de Maizières, alors que la piste actuelle, traversant 7 routes passagères et exigeant que les cyclistes mettent pied à terre, interdit de l'envisager!

On pourrait aussi planter des arbres dans la commune, plutôt que de multiplier les bacs à fleurs sur les trottoirs ou suspendus aux lampadaires. En les plantant sur les trottoirs, cela rendrait la circulation automobile plus difficile, donc les véhicules plus respectueux des vitesses affichées. On pourrait d'ailleurs envisager de faire passer le village de Semécourt en zone à 30 km/h, enlever à la rue des Pavillons son statut de toboggan à voitures, etc.

Évidemment, cela n'est pas conforme à la décision du conseil municipal.

Mais le conseil peut aussi changer d'avis, après s'être mieux informé, ou on peut aussi changer de conseil aux prochaines élections!

samedi 30 juillet 2011

La fin du Monde est prévue... pour mardi prochain !

(dimanche 30 juillet 2011)

Si on en croit les journaux US, la fin du Monde est proche.

Non pas parce que Spielberg va sortir un film sur Tintin inspiré de l'étoile mystérieuse (rappelez-vous, la météorite qui va frapper la terre !), mais parce que les Républicains, qui se sont déguisés aux apprentis sorciers en jouant la montre avec Obama, sont piégés par leur propres ultras de la "soirée du thé" (?, Tea Party) : il y a une chance importante que le pays soit déclaré en cessation de paiement dès mardi prochain, que les bourses dévissent, le dollar aussi, et qu'on soit entrainé dans un maelström qui pourrait tous nous engloutir.

Je n'arrive pas à me motiver sur un pareil sujet, qui ne relève même pas de la politique fiction, mais d'un nostradamisme de café du commerce.

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(mercredi 10 août)

Le message est resté en brouillon, et, une dizaine de jours après, l'apocalypse n'a pas eu lieu, les évènements ayant pris une tout autre direction.

Bavardage incontinent des média, absence de recul dans leurs analyses, besoin d'occuper le terrain, même quand on n'y comprend mais ou qu'on n'a pas grand chose à dire de précis - si on le fait pas, ce seront les autres qui le feront ?

Et cela va permettre à tous ces bloggeurs et autres inconditionnels des forums de nous dire ce qu'ils pensent, tous ces gens qui ne pensent pas, qui pensent mal quand par hasard ils pensent, mais qui veulent absolument, ces gens que je ne connais ni d'Eve, ni d'Adam, me dire avec précision qu'elle est leur opinion. Serait-ce grossier de dire, moi le bloggeur, que je n'en ai rien à f... (ficher) ?

Suite au non-évènement de la cessation-de-paiement-qui-n'a-pas-eu-lieu, la bourse s'est quand même effondrée, de 20%, une paille, et les doctes paraphraseurs de l'actualité de se demander s'il s'agit d'un crash boursier ou simplement d'un coup de spleen...

D'un côté, à ma gauche, il y a mon ami Paul Krugman, qui explique que c'est la crise de 2008, qui ne nous a jamais quittés et qui remet le feu à l'économie, parce que les "rentiers" (en français dans le texte !), les mêmes que ceux qui s'enrichissaient en dormant selon Mitterand, ont pris peur en redécouvrant quelque chose qui n'était pas du tout caché. Eux aussi ont un temps d'attention assez court, comme des gosses hyperactifs pourris par trop de jeux vidéo et de télévision, et ils redécouvrent l'eau tiède, régulièrement.

En fait, ce qui m'étonne beaucoup, c'est comment tous ces acteurs importants semblent réagir à l'intuition, même s'ils ont des modèles qui font des ventes et des achats à la milli-seconde près. Il n'est pas clair du tout s'ils fonctionnent avec des modèles macro-économiques ou leur équivalent pour la planète finance ? Dans tous les métiers du monde, les gens sérieux font des simulations, en très grande quantité, mais qu'en est-il de l'univers de la finance ? A en croire la presse, ils fonctionnent comme des joueurs de casino. Mais la presse aussi pourrait faire tourner des modèles, et il n'est pas clair du tout qu'ils le fassent ! D'où toutes ces analyses purement verbales, qui inondent les éditoriaux et autres op-eds.

Donc, Krugman nous dit que l'économie s'effondre et se contracte par manque de liquidités. Et que les comportements de moutons de Panurge (ou de Lemmings, en anglais) des traders amplifient le phénomène dans une dégringolade en boule de neige, une avalanche chaotique donc. Et que, sauf à relancer l'économie en y injectant des sommes plus importantes que celles qu'on avait mises en jeu en 2008/2009, la chute va être longue et le final enkysté sur une récession sans fin: les sommets étaient hauts et les vallées sont très profondes.

D'autres s'y mettent aussi, pour expliquer que cette chute a commencé il y a bien longtemps et qu'on ne l'a pas vue venir essentiellement parce qu'on a mis en place des subterfuges pour maintenir à grands frais le niveau de vie des occidentaux, des américains en particulier : hausse des salaires des femmes, travail généralisé de ces mêmes femmes (revenu maintenu dans la famille, mais avec deux salies au lieu d'un), réduction du nombre d'enfants par foyer, dumping de l'immobilier (les subprimes), etc. On arrive en bout de course, pénurie de subterfuges, genre club de Rome, et il va falloir constater qu'on ne peut pas vivre indéfiniment au dessus de ses moyens.

Là, j'ai un peu dérapé au delà de la pensée de Krugman, qui pense, me semble-t-il, que ces pénuries n'existent pas vraiment et qu'il serait possible et facile de rebondir, à condition de faire marcher la planche à billet et d'accepter un peu d'inflation.

Bienvenue donc dans la société des riches et des pauvres, dans laquelle les classes moyennes ont été gommées, effacées, atomisées. C'est comme cela que la Rome républicaine a été remplacée par la Rome impériale (panem et circenses, voir les émeutes actuelles en Grande Bretagne, sauf qu'outre-Manche, ils ne se rappellent plus les recettes du passé, et ont fermé les stades... de foot !), qui contenait les germes de sa décadence et de sa disparition. Ou les cités grecques qui venaient d'inventer la démocratie mais l'ont vite perdue.

De l'autre côté, à ma droite, la foule hurlante de ceux qui pensent qu'on a trop dépensé d'argent emprunté à d'autres et qu'il est temps de revenir à un budget plus sain, plus équilibré. On fustige la Grèce (d'aujourd'hui), qui a cru qu'elle pouvait rejoindre les pays riches du nord ouest de l'Europe et vivre comme eux. En court-circuitant les siècles que cela a pris dans la petite UE o aux USA, ou les décennies du Japon, de la Corée, de la fraction de Chine devenue riche. Même chose pour l'Irlande, qui avait eu l'impudence d'afficher des revenus par habitant supérieurs à ceux de la France, par exemple, sur la base d'une richesse achetée à crédit et gonflée par une bulle "verte" (le vert de Saint Patrick, bien sûr !), pour le Portugal, l'Espagne. Ils avaient tous cru que la machine européenne allait enclencher un enrichissement comme celui qui avait réussi chez les dragons d'Asie.

La cohérence de ce côté-là ne me parait guère assurée, sauf si on croit l'idéologie allemande (que le monde entier fasse comme nous, donc exporte, LOL !! et tombe en catatonie dès qu'on parle d'inflation, souvenirs de la république de Weimar obligent !) ou celles de l'extrême droite européenne, ou du Tea Party américain, mutatis mutandis. L'endettement de l'économie US est colossal (10 165 G€ en 2010), par rapport à celui de la Grèce (320 G€), ou de la France (1 551 G€) et celui du Japon pourrait faire pâlir d'envie les américains (8 580 G€). Cela a permis de tirer l'économie mondiale vers le haut... et le niveau de vie des Américains aussi par la même occasion, un quid pro quo qui a paru équitable à beaucoup, de la Chine au Japon en passant par les agences de notation, pendant longtemps. Cela cesse-t-il d'être vrai parce qu'un seuil intuitif, calculé par un non-modèle, vient d'être franchi ?

La croissance, qui a été longtemps synonyme de lutte contre la pauvreté (çà marche toujours dans les BRICS !), ne fonctionne-t-elle par la vertu d'une mécanique dans laquelle les riches prêtent à ceux qui veulent bien les rémunérer et où les banques, plus fortes que les gens riches, ont le droit de fabriquer de l'argent, ce qu'on appelait de la monnaie scripturale quand j'étais étudiant, sans créer automatiquement d'inflation contrairement aux banques centrales qui impriment trop de billets de banque ? Le crédit, moteur de la croissance et du fonctionnement de l'économie au quotidien...

Deux analyses disjointes.

L'une voit l'économie comme un moyen de permettre au plus grand nombre d'hommes de vivre avec dignité sur terre, d'accéder à une part de bonheur, qu'ils soient riches ou pauvres, alors que l'autre protège ses avoirs, ses rentes, ses revenus au nom de règles qui ont longtemps permis à la richesse de tous de croitre, mais qui, lorsqu'on les assèchent, deviennent une expression d'un égoïsme cruel !

Cet après-midi, les bourses ont continué à dévisser, alors on aurait pu croire qu'elles 'étaient ressaisies. Sur une rumeur qui s'est révélée fausse, la dégradation de la note de la France. Un système qui a perdu tout repère, qui a chassé depuis longtemps tout bon sens, qui se suicide en croyant se sauver.

L'Europe, dont le PIB est plus important que celui des Etats Unis, encore la première nation du monde, 16 106 G$ contre 14 24 G$, se comporte comme les marchés boursiers, avec aveuglement, myopie et égoïsme.

Ce n'est pas la fin du monde qui approche, mais le risque de créer plus de pauvres qui grossit !

mardi 26 juillet 2011

Les morts, la mort

Il y a ce fou, en Norvège, qui a tué 90 personnes et cette logorrhée qui a aussitôt saisi la presse. Pour les plumitifs et les emplumés, ils sont aussi stimulants et inspirants, ces morts, que le viol de la femme de chambre par le politicien puissant, ils constituent une source intarissable de mots, de lignes, de pages, d'heures d'antenne.

Moi qui croyais que c'était le changement climatique qui était important, qui méritait discours et paroles, non pour causer et disserter, mais pour réfléchir tout haut aux actions à entreprendre ! Vieil activiste soixante-huitard tourné rationaliste bavard !

J'avais totalement tord, bien sûr.

Il n'y a aucune émotion dans la catastrophe du changement climatique annoncée pour un avenir si lointain et si mal défini; les morts qui surviendront par dizaines, centaines de millions ne comptent pas autant que les morts d’aujourd’hui, qui meurent en direct - on peut presque sentir leur âme qui s'échappe, et aux obsèques desquels on peut se rendre - même si on ne les connait pas, qu'on ne les a même jamais vu qu'à la télé - et sur les livres de condoléances desquels on peut écrire par internet.

C'est comme s'il existait un taux d'actualisation des morts qui fait que les morts de demain comptent peu en regard de ceux d'aujourd'hui. Intéressant pour les économistes qui réfléchissent à la façon d'internaliser les externalités non solvables, n'est-ce pas !

Il y a aussi les morts d'hier, ceux qu'on célèbre dans les fêtes nationales, dans les meetings nationalistes. Ils comptent aussi beaucoup, mais peut-être pas parce qu'ils sont morts il y a longtemps, mais parce qu'on les réintègrent dans le présent immédiat par des discours enflammés, percutants, qui font appel aux émotions un brin vulgaires du public ?

Les morts des centrales nucléaires, qui ne mourront peut-être jamais, si les centrales ne fondent pas dans un syndrome chinois - ou japonais devrait-on dire maintenant ? - comptent aussi beaucoup, beaucoup plus que les morts certains du changement climatique. Ils ne sont pas non plus affectés du même taux d'actualisation tous ces morts, ces morts d'en haut et ces morts d'en bas.

Il y a ceux auxquels on croit et qui font peur, et ceux auxquels on ne croit pas et qui ne font pas peur. Croire, c'est plus fort qu'être. Craindre, avoir peur, c'est plus fort qu'essayer de comprendre, de savoir, de réfléchir...

Etrange arithmétique de la mort.

Les morts du World Trade Center, qui font horreur, et les morts des guerres d'Irak et d’Afghanistan, 100 fois, 500 fois plus nombreux, mais qui ne sont pas décomptés avec les mêmes unités; encore des taux d'actualisation différents ! Ou une loi du talion logarithmique...

Les morts des Fukushima à venir et ceux de qui ne sont jamais sortis des explosions de grisou dans les mines de charbon, ou qui sont mort à mi-vie de silicose, sont aussi comptés par des métriques logarithmiques ! Les morts dont on parle, morts d'une mort dont on a peur, et les morts du silence, les morts d'en bas.

Les morts de faim de la corne de l'Afrique et les soldats français, ou anglais, ou américains tombés au champ d'honneur comme on dit, en Afghanistan, morts en même temps. Mais morts d'en bas et morts d'en haut.

Même dans la mort, les morts ne sont pas égaux !

Quelle force que la mort quand on en parle ! Aussi fascinante que le sexe et le pouvoir, ou toutes ces choses mélangées.

mardi 28 juin 2011

Voyage dans le temps....

Je viens de découvrir que je porte en moi une machine à voyager dans le temps. Aussi bien que HG. Wells, Isaac Asimov, Poul Anderson, et j'en passe de meilleurs ou de plus récents (who? ;-)) !

Mon temps habituel est un temps accéléré constitué d'instants trop courts qui se précipitent et se chevauchent, s'entrelacent et se concurrencent. Je suis un mutitasker par nécessité, par goût et par culture. Je revendique la polychronie dans laquelle mon éducation française m'a immergé, au point que j'aime cette façon de tout faire en même temps, seulement presque tout, et de pouvoir ainsi différer des décisions ou des choix, que le cours des choses rendra plus facile ou inutile demain, tout à l'heure, jamais. Une espèce de principe de Wally, merci Dilbert !

C'est un temps imposé de l'extérieur ou que j'impose à l'extérieur, dans une course prolongée, continue, mais pas plus effrénée qu'un marathon qui durerait toujours.

Il y a des moments privilégiés dans ces bouffées de temps, ceux où l'on prend son temps, pour manger par exemple. Le temps est alors dicté par le goût des choses, la cinétique de ses papilles et de sa bouche. Mais des interlocuteurs amusants et réveillés qui entretiennent une conversation brillante sont un piment supplémentaire qui renforce les arômes et les goûts, alchimie entre les capteurs du nez, de la bouche et les centres de l'intelligence, du rire et du plaisir. Encore du multitâche, mais élevé au rang de pratique rituelle, culturelle, élégante et sophistiquée. Si on est seul, il y a la télévision, quelle horreur, ou France Info, pareil, ou son i Phone !

Le temps que je viens de redécouvrir est celui de mon corps. Mon corps qui m'obéit habituellement, comme un outil docile. Mon corps, pas mon esprit, ni mon âme...

Donc, une petite opération, une anesthésie générale, quelques jours dans un hôpital, et voici mon corps qui reprend la direction des choses et me rappelle que c'est lui le métronome et que ses rythmes sont nombreux, complexes et impérieux. Complètement dépassée la dizaine de dimensions de la théorie des cordes et des espaces de Calabi-Yau!

D'abord, tous mes cordons ombilicaux coupés, sauf mon Black Berry, ouf, tout n'est pas perdu.

Mais j'ai perdu quelques heures d'inconscience et ma capacité à me réorienter prend quelques secondes, dans les paradis étranges des injections de morphine : paradoxalement, en salle de réveil, je dois consciemment m'arracher à tous ces méls que je devais envoyer en même temps et qui suffisaient à mon monde et m'interroger sur ce qui vient de m'arriver, tiens, sait-on jamais, c'est peut-être un fragment de réalité auquel je devrais m'intéresser ? Une botte de pansements sur le pied gauche, un lit profond, si profond, une couverture chauffante, me revoilà dans un cocon et je reprends un fil de temps. Un temps qui égrène les choses une à une, l'une après l'autre, c'est déjà assez compliqué de les percevoir et de les comprendre comme cela.

Je pense aux 5 semaines de sessilité qui m'attendent. Moi comme un arbre. Mais sans le loisir de prendre racine et d'aller explorer les mystères du sol. Juste un manque de mobilité. Inquiétude ? Un peu de peur ? Non, parce que la vie est belle, je ne sais trop pourquoi. Morphine ? Dans quelle monde ai-je re-surgi pour avoir de telles pensées ?

Le temps de ma plaie qui s'écoule à travers un drain - comme celui qui court le long des fondations de ma maison ? - qui va bientôt, qui forme sûrement déjà des liens avec les tissus voisins. Cellule après cellule ? Mon ignorance de ces mécanismes me parait abyssale. Comme mon ignorance du rythme du temps qui les accompagne.

Le plastique, quel plastique ?, du polyéthylène ?, qui entre en moi et y aspire un liquide rouge, du fer, de l’hémoglobine, du sang ?, sucé par le vide de la petite bouteille en plastique qui m'accompagne. Et le cathéter qui entre dans ma cuisse et par où la morphine entre plus d'autres molécules dont je n'aurai jamais connaissance, mais qui anesthésient le pied comme si lui n'était pas réveillé. La perfusion sur le dos de ma main, par où est entrée la novocaïne qui m'a endormi. Probablement pas de la novocaïne, je en suis pas chez le dentiste !

Mon univers est rétréci à mon corps, pourquoi un tel soucis de ce simple outil ?

Le temps passe, je reviens dans ma chambre. Voyage de retour plus rapide qu'à l'aller. Serais-je dans les vaps ? Tiens mon Black Berry. Tous ces méls à lire... Passionnant. Passionnant ???

J'appelle ma femme, ma fille, ma secrétaire ne répond pas. Par contre ma douleur s'invite dans ce chapelet de noms féminins.

C'est quoi la douleur ? Bonne question. C'est mon corps qui me parle. Cela ne fait pas nécessairement mal, ni très mal. C'est aussi mon corps qui se réveille, des sensations qui reviennent. Un chiffre entre 1 et 10, m'apprend-on. Une rétribution en gouttes de morphine que je peux m’administrer tout seul; il y a même une étiquette en anglais qui dit que seul moi je peux appuyer sur le bouton. Tous les malades à Metz lisent-ils l'anglais ? Et des gélules d'antalgique et d'assomme-bœuf. Etc.

Mon corps toujours... Comment bouger ? Bigre, en voilà une question philosophique. Comment pisser ? Comment .... ? J'ai quelques minutes, quelques heures, quelques jours pour réapprendre, alors que Raphaël va mettre des mois. Je suis quand même revenu au statut de bébé, même si la temporalité est accélérée. Et j'ai tellement de chance par rapport au papa de Patrice !

Maintenant, 4 jours après, je travaille 8 heures par jour dans mon salon, avec 3 ordinateurs, deux téléphones et deux béquilles. J'ai été réintégré dans le temps que j'aimais tant, avant. Sauf quand il faut se lever et marcher sur trois pattes, la quatrième repliée sous moi comme un flamand rose (drôle de comparaison, mais quand on fréquente Montpellier, ça s'impose) et préparer chaque bond en avant pour ne pas perdre l'équilibre et ne pas se viander par terre. Et les muscles des bras et de la poitrine qui crient, encore mon corps et son temps à lui.

J'arrête, ça suffit !

Et si le temps n'était pas une variable physique mais une donnée subjective ?

Ça y est, j'ai réinventé l'eau tiède !

samedi 19 mars 2011

Fukushima,Fukushima ah!

Semaine folle, où on a vécu par procuration les malheurs cumulés du Japon.

Semaine pleine d'enseignement aussi sur l'univers virtuel dans lequel on vit, et sur la perception du monde qui nous est renvoyée par le projecteur aveuglant des médias, dont il est difficile de recevoir les messages en pleine figure avec le recul critique qui serait nécessaire : notre attention et notre sensibilité est saturée par le mélange de radio en continu, de news télé et de fils RSS qui s'affichent en permanence dans une fenêtre de l'ordinateur. Même quand on se lève la nuit pour pisser, on les consulte...

Heureusement, l'espace de l'information est intensif et donc une info chasse l'autre. La guerre avec la Lybie, qui va démarrer en direct sous l'oeil des caméras, remplace les nouvelles nipponnes. La situation au Japon n'a pas vraiment évolué, mais justement, c'est là le problème, il n'y a news que news qui bougent. Quand quelqu'un agonise et qu'on l'a annoncé, il n'y aura quelque chose de nouveau à rapporter ensuite que quand il aura vraiment passé l'arme à gauche.

Ce qui est intéressant, c'est que cette bulle d'info sur le Japon, qui a rempli l'espace de l'information grand public jusqu'à le saturer, a tellement intoxiqué tous ceux qui écoutent parmi les gaijin, qu'ils sont parti ailleurs, loin, eux qui ont un ailleurs où aller, et que les journalistes aussi sont presque tous rentrés à la base. Donc, difficile de continuer à parler de ce qui se passe au Japon, il faudrait demander aux Japonais aux-mêmes de s'exprimer, quelle drôle d'idée, n'est-ce pas ?

Donc on assiste à un délire de micro-trottoirs.

Une famille française de Tokyo est partie à Manille (3000 km), probablement en sautant dans le premier avion qui passait par là; et ils écoutent les infos (lesquelles, en quelle langue ?) en continu pour pouvoir partir encore plus loin si la situation se détériorait au Japon.

Une allemande quittait Tokyo cette semaine, car le gouvernement japonais ne donnaient pas d'info... en allemand !

Un français marié à une Japonaise, s'apprêtait à rentrer en France et à abandonner sa femme à la radioactivité. Je n'ose imaginer leur retrouvailles, si il se retrouvent un jour !

Un syndicaliste FO de Valenciennes, annonçait avec aplomb qu'il se mettrait en grève si on voulait leur faire assembler des pièces arrivées du Japon, si on ne leur démontrait pas d'abord qu'elles n'étaient pas radioactives.

C'est en direct sur radio-café du commerce ! Les gens (qui sont ces gens, accoudés au bar de café virtuel ?) ne croient plus aux experts (en fait, ils n'ont jamais autant parlé), à la science, à la technologie, les grands prêtes de sectes s'expriment avec la certitude de ceux qui ont la foi (les anti-nucléaire, avec un écho de "je l'avais bien dit"), chacun a la parole avec un sens de l'équilibre (faut-il écouter avec égalité de parole les pédophiles et les enfants agressés ??? l'analogie dans le cas présent peut être reprise de différentes façons !), on utilise des mots-valises "principe de précaution", et on a peu d'analyse à un niveau qui transcenderait les logiques des gens à qi on donne la parole.

Les nouvelles du Japon, je veux dire des Japonais, amis et collègues avec lesquels on a dialogué toute la semaine par mail, sont toutes autres. Il y a avant tout la grande souffrance des 600.000 réfugiés. Et la sécurité relative dans laquelle les tokyoites se sentent. Pas raisons de partir, Fukushima c'est assez loin. On travaille. Il faut reconstruire le Japon. La sidérurgie doit tourner à fond pour fournir de l'électricité et compenser un peu de la puissance que les réacteurs frappés à mort ne peuvent plus donner. Business as usual, presque, les difficultés qu'on rencontre au quotidien sont les nôtres, on les gère ! Il ne faut pas repousser trop notre visite prévue l'an passée, Mai par exemple, etc. Parole de gens qui ne sont ni naïfs ni mal informés...

Un monde dans lequel on interpèle les autorités qui n'informent pas, pourquoi pas, les autorités qui ne sont pas capables de répondre à toutes les situations instantanément, plus ambitieux, dans lequel on se comporte en rats, qui quittent le navire, bien sûr, et un autre où on prend les choses comme elles viennent, avec discrétion, fatalisme et pas nécessairement passivité.

Ce qui manque cruellement, ce sont les points de vue de gens qui ont une vision plus large, plus écoutante, plus ouverte à la souffrance que cette situation crée, chez les victimes et chez les voyeurs que nous sommes devenus malgré nous. On pourrait écouter des philosophes, il y en a déjà plein à qui on donne la parole, pendant 1 minute et quarante cinq secondes. On pourrait aussi la donner à des prêtres, de toutes sortes de religions, si on veut absolument être universel, mais je soupçonne qu'ils diraient des choses proches.

Les journalistes pourraient aussi aborder les experts en leur demandant quelle question devrait leur être poser, plutôt que d'exiger d'eux des réponses aux questions hyper fermées, étroites et à courte vue auxquelles les arrogants du 20 heures exigent des réponses dans la seconde.

Les envoyer à l'école, les Pujadas et ses émules pour qu'ils redécouvrent la maïeutique, qu'ils apprennent la distinction entre un fusion nucléaire et une fusion de coeur de réacteur (de fission) nucléaire.

Et qu'il essaient d'utiliser des mots comme souffrance, résilience, deuil, ignorance, angoisse, inquiétude, incertitude, inconnaissable, patience, je ne sais pas, je ne comprends pas, je l'accepte, je le dis, fragilité, la prochaine seconde, la prochaine heure pas l'avenir du nucléaire dans toute sa généralité, le dialogue, l'écoute, la solidarité, la peur, la joie, les pleurs, les embrassades, la solitude, gaman suru, aller jusqu'à demain, se serrer les coudes, penser à la façon de vivre dans un pays dévasté et riche, et dans un pays dévasté et pauvre, faut-il vivre encore?, mes poursuites de bulles de temps accélérées et hyper denses sont-elles en vibration avec le monde (I don't have very good vibes!), la nature, la planète, etc.

La baie de Basho a été détruite par le tsunami.

Qui écrira des haikus dans les ruines de villes et celles de nos coeurs ? (17 syllables)








dimanche 6 février 2011

Un demi milliard d'obèses...

Die Zeit affiche cette passionnante information dans la rubrique Science de son édition d'aujourd'hui.

Cela suggère beaucoup de développements.

D'abord que l'obésité est un objet de recherche scientifique. C'est ce qu'on doit appeler big science dans les milieux ultramarins anglo-saxons...

Big comme big Mac, big tits, Whopper, Big is beautiful, Big Expectations, etc.

Coup de frein dans ma façon de pensée, U turn, demi-tour même, cesser de penser que je dois toujours maigrir, qu'être mince et maigre est bon pour la santé, pour la beauté, pour le sexe, pour la carrière... Penser à toutes ces choses négatives comme l'anorexie (mais pas à la boulimie !), l'incredible shrinking man (mais pas à Mr Tompkins explores the atom !), penser au sort malheureux des petits pays par rapport aux grands, aux difficultés des petits dans les cours de récréation, aux jeux ridicules que doit jouer Sarkozy et ses talonnettes pour avoir l'air plus grand, à la grande soeur, à Big Brother, à la Big Society, etc. Stop, le compte est bon.

L'obésité ne conduira peut-être pas Mc Donald au tribunal de l'histoire, pour répondre de crime d'empoissonnement de l'humanité, comme je l'ai imaginé un temps, au côté de tous les destructeurs de rêve, de vie et de bonheur, comme les pollueurs, ceux qui détruisent l'environnement et la santé de la population mondiale, sans parler des destructeurs de beauté, de valeur sociale et humaine.

Mc Do, aux côtés d'autres précurseurs, aura peut-être provoqué la mutation de l'humanité vers une nouvelle phase, celle où les gros régneront en devenant la norme. Plus on est gros, mieux on échange la chaleur avec l'extérieur et mieux on résistera donc au réchauffement global. Moins on se déplacera, et donc moins on consommera d'énergie en transports inutiles. Plus difficile ce sera de faire l'amour et donc plus le pic démographique apparaîtra tôt.

Adieu les petits, les maigres, les fluets, vos jours sont comptés.

On peut penser aussi aux mutations suivantes. On pourra se reproduire par simple contact et donner naissance à des individus constitués de la somme de leurs parents, pas seulement de celles de leurs gènes. Vers une humanité constituée d'une chair qui s'écoule sur la planète, envahit les vallées, grimpe vers les cols, reconstitue un océan vivant, une Solaris terrienne échappée des textes de Lem...

Un jour d'ailleurs, quand la vie aura tout recouvert, elle pourra chercher les moyens de partir vers les étoiles.

Perspectives enthousiasmantes, où les blocages qu'on imagine aujourd'hui, comme le changement climatique, la faim, la sécheresse galopante, la disparition de la biodiversité, le recul de la démocratie, s'évaporent pour laisser la place à une altérité radicale.

Dépassée la timide science fiction ! Place à l'avenir tel qu'il sera...