dimanche 14 août 2011

Un instant de démocratie - républicaine, bien sûr - dans la commune de Semécourt


Dans son bulletin d'information distribué début août à chaque foyer de la commune, le maire nous informe d'une décision du conseil municipal du 29 juillet dans laquelle il s'est prononcé à l'unanimité pour approuver le schéma de coopération intercommunale du département de la Moselle. Exercice de communication rapide et réactif de notre grand édile !

Voilà un sujet intéressant, qui engage l'avenir et qui pourrait donner une occasion assez rare de réfléchir au rôle de la commune dans sa communauté géographique pour de nombreuses années.

Qu'est-ce qui a été vraiment décidé ?

C'est un peu difficile à comprendre, car il n'y a pas de carte dans le bulletin, ce qui aurait le cas échéant pu aider à visualiser ce que devrait être la nouvelle communauté de commune - les services de la municipalité ne doivent pas savoir qu'on peut facilement inclure une image dans un petit texte. D'autant qu'une carte très claire est disponible sur le site de la préfecture et qu'on peut la copier en deux clics !

http://www.moselle.pref.gouv.fr/index.php?articleid=1353

Il s'agit donc d'approuver la création d'une intercommunalité ayant la forme d'un croissant et qui couvrirait une zone située au nord de Metz et s'étendant sur un arc d'une vingtaine de kilomètres vers l'est et vers le sud, comme un exercice stratégique de contournement de Metz Métropole, la CDC de la ville chef lieu.

Tout cela, vu par l'Etat, a deux objectifs : moderniser le pays en lui donnant des structures administratives qui fassent sens pour planifier et construire l'avenir et qui réduisent les coûts de fonctionnement d'entités administratives trop petites et trop nombreuses.

Vu du conseil municipal de Semécourt, selon le bulletin, il s'agit d'éviter les augmentations d'impôts, un leitmotiv permanent de toutes nos municipalités, à égalité de service: c'est un principe classique de politique de droite, international qui plus est (cf. les républicains aux USA), qui se présente comme la meilleure façon de préserver les habitants de la Commune de la boulimie budgétaire des voisins. Un double principe de gestion en bon père de famille et de nationalisme appliqués à notre petit univers.

Il y a beaucoup à dire sur ce principe, dans le cas de Semécourt. Permettez-moi donc une première incidente.

On paie certes moins d'impôts à Semécourt qu'à Metz, mais on n'a pas grand chose non plus en retour. On ne peut faire de courses sans utiliser une voiture, les ordures ne passent qu'une fois par semaine, il faut descendre ses poubelles sur une centaine de mètres pour qu'elles soient ramassées - pas facile si on marche avec des béquilles comme j'en ai fait l'expérience ces dernières semaines, la fréquence des cars qui vont vers Metz ou Maizières est aussi pauvre qu'il y a 30 ans, la mairie n'est ouverte que deux heures par jour, etc. Par contre il y a des bacs à fleurs, assez laids, sur les trottoirs, et on va se doter d'un terrain de foot en pelouse synthétique! Je ferme la parenthèse. )))

Donc, la municipalité et le conseil ont décidé qu'ils avaient plus envie d'être en relation étroite avec les communes de Saint Hubert ou de Pange, qu'avec Woippy ou Metz ou encore Bronvaux et Saint Privat.

Quel sens caché cela peut-il avoir ? Parce que l'analyse qui a conduit à cette décision ne nous est pas donnée dans le bulletin sus-cité.

S'agit-il d'exprimer que la cohérence territoriale que l'on souhaite est concentrique à la métropole régionale à laquelle on refuse d'être associé, et non radiale ? Semécourt ne voudrait pas être en bout d'un axe qui va vers la cathédrale, mais préfèrerait la ruralité ? Quitte à sauter la Moselle et sa vallée, dont on nierait ainsi le caractère structurant et à aller jusqu'aux forêts "sauvages" de l'est de Vigy et d'au-delà de la vallée de la Canner ? Mais sans monter vers le plateau lorrain à l'ouest ?

Je ne sais guère décrypter ce choix plus avant, car il me parait peu réfléchi, non conforme à la réalité géographique et géopolitique de notre micro-région et mal adapté pour faire face aux vrais défis que nous avons devant nous.

Deuxième incidente, cette information qui arrive après coup, sans que les enjeux aient été expliqués à la population et qu'un vrai débat ait été instauré pour conduire à une décision comprise par tous, c'est de la démocratie rétroactive, une nouvelle forme de gouvernance où on informe les habitants après coup, un peu comme cela se pratique dans les entreprises ou les organisations centralisées - là où il n'y a pas de démocratie.

L'équipe, qui gère habituellement les affaires courantes, vient de se prononcer sur le grand avenir avec la même pauvreté de pensée et d'analyse! Hou là là !!

Quels sont les vrais enjeux de l'avenir, pour Semécourt ?

J'en vois trois, qui grossissent très vite et vont décider de la vie et de la mort d'une commune comme la nôtre. Et probablement aussi de la vie et de la mort de certains d'entre nous. De vrais enjeux donc, qui méritent quelque réflexion et une préparation adéquate.

D'abord le changement climatique, qui va structurer l'espace habité, par un prix du carbone que nous paierons en coûts de transport et en coût de confort (chauffage par exemple) dans nos habitations. Cà veut dire simplement que le coût des déplacements quotidiens pour le travail, l'école, les courses, les soins vont devenir d'autant plus élevés et insupportables que nous serons éloignés des centres d'activité correspondants et des axes de circulation facile et à bas carbone pour les rejoindre. Une commune proprement rurale aura ainsi un statut très différent d'une commune urbaine ou péri-urbaine. Incidemment, cela se traduira concrètement en termes de valeur des propriétés et de ressources fiscales des communes ou des CDC. Les maisons en territoire rural perdront de la valeur et on peut même imaginer que des communautés entières soient abandonnées, comme cela s'est déjà produit dans le monde.

Ensuite le vieillissement de la population, qui va sédentariser de plus en plus de gens, qui auront peine à simplement vivre dans un espace structuré autour du déplacement en véhicule individuel. Il ne suffira pas d'organiser deux soirées dansantes pour le troisième âge chaque année pour maîtriser cette question !

Enfin, la disparition de la biodiversité. Qu'on l'ait voulu ou non, on a laissé s'établir un tissu continu de zones construites, dont fait partie Semécourt, et les zones naturelles, je veux dire proprement rurales, y sont devenues des îlots isolés. On doit donc fournir des bacs en béton pour les fleurs et remplacer le fonctionnement naturel des écosystèmes par des équipes de jardiniers qui offrent une métaphore de la nature aux habitants. Les oiseaux ont presque tous quitté le village, sauf les monstres, c'est-à-dire les pies, les corbeaux et les tourterelles. Les arbres sont chassés, étêtés ou coupés, car ils envoient, fort méchamment, des feuilles dans les chenaux des maisons. Les parcelles individuelles dans le village sont fragmentées et isolées par des murs, des barrières, des grillages, qui empêchent la circulation des animaux "sauvages": depuis quand avez-vous vu des chevreuils, des renards ou même des lapins dans les jardins ?

Quel est l'espace cohérent auquel appartient Semécourt ?

Très simplement, le sillon mosellan, qui s'étend d'Epinal à Luxembourg.

Ce qui n'était qu'une vue de l'esprit au 20è siècle, est devenu maintenant une réalité "construite" avec un ruban continu de bâtiments résidentiels ou industriels s'étendant des Vosges au Luxembourg, une conurbation de plus de deux millions d'habitants. C'est dans ce sillon que s'est organisée la vie économique et sociale, avec les autoroutes, les voix de chemin de fer, les voies de navigation, les aéroports, les centres administratifs, les universités, les théâtres et les musées, beaucoup d'industries et encore plus de services, comme tous ces supermarchés un peu surabondants.

De façon plus concrète, c'est la ville de Metz qui est l'attracteur essentiel de Semécourt, mais aussi les villes en aval, comme Talange, Amnéville, Rombas, Hagondange.

On se dirige vers une vallée de la Moselle organisée autour de grands centres régionaux, à caractère urbain, qui seront reliés entre eux par des liaisons régionales : donc Metz, Nancy, Thionville/Luxembourg, Epinal, Pont-à-Mousson.

Le vrai choix est donc de se situer ou non dans ces centres majeurs. Difficile pour Hagondange, mais beaucoup plus facile pour Semécourt!

Si l'on faisait ce choix à Semécourt, on aurait accès à un système de transport urbain qui irriguerait une zone à activités denses et diversifiées, une vraie ville donc. Le prix de l'immobilier augmenterait. Les services commerciaux, sociaux et culturels auxquels aurait accès la population seraient décuplés : les impôts augmenteraient probablement dans l'absolu, mais pas en parité de pouvoir d'achat, en rapport coût/bénéfice.

D'ailleurs, ce choix a déjà été fait quand la municipalité précédente a décidé d'accueillir Auchan sur le territoire exigu de la commune - dans un autre exercice de démocratie rétroactive - et un noeud autoroutier majeur plus une zone commerciale comme celle d'euromoselle sud... On a manqué alors l'occasion de penser à la biodiversité, aux arbres, à la continuité du tissu et de l'écosystème rural, et de les installer dans notre réalité quotidienne, sans pour autant nous transformer en hommes des bois !

Le bon sens plaide donc aujourd'hui en faveur d'une logique nord-sud, plutôt qu'est-ouest, et en faveur aussi du tropisme de Metz, dans le fait de choisir la ville et ses activités plutôt qu'une ruralité péri-urbaine hybride, bancale et pauvre; puisque la vraie ruralité n'a plus de sens pour nous, compte tenu des choix que nous avons déjà faits.

Le bon sens plaide donc en faveur d'un rattachement à Metz Métropole. Adieu les bois profonds de Saint Hubert, les vallées lointaines du pays de la Nied, les horizons d'outre Moselle, si peu accessibles quand les ponts sont si rares !

En échange, on gagnerait une intégration à une nouvelle ville, qui deviendrait moderne, c'est-dire facile à vivre pour ses habitants.

Les transports en commun y seraient accessibles depuis Semécourt; une vie de quartier s'y développerait avec des magasins accessibles à pied pour vivre au quotidien - ou en chaise roulante; on pourrait s'y déplacer en transport doux, comme le vélo - on construirait pour cela de vraies pistes cyclables utiles pour la vie économique, donc pour aller au travail ou à l'école, pas de simples circuits de loisirs, comme ces boucles fort étranges qu'on a vu fleurir dans la Communauté de Commune de Maizières, aussi hétéroclites que le tracé de la CDC. Cela demanderait de faire des choix en faveur des vélos et contre l'automobile : on pourrait ainsi envoyer en bicyclette les enfants au collège de Maizières, alors que la piste actuelle, traversant 7 routes passagères et exigeant que les cyclistes mettent pied à terre, interdit de l'envisager!

On pourrait aussi planter des arbres dans la commune, plutôt que de multiplier les bacs à fleurs sur les trottoirs ou suspendus aux lampadaires. En les plantant sur les trottoirs, cela rendrait la circulation automobile plus difficile, donc les véhicules plus respectueux des vitesses affichées. On pourrait d'ailleurs envisager de faire passer le village de Semécourt en zone à 30 km/h, enlever à la rue des Pavillons son statut de toboggan à voitures, etc.

Évidemment, cela n'est pas conforme à la décision du conseil municipal.

Mais le conseil peut aussi changer d'avis, après s'être mieux informé, ou on peut aussi changer de conseil aux prochaines élections!