dimanche 25 mars 2012

Ai-je manqué la marche post moderne ?

J'ai envie d'arrêter,  de passer la main, de jeter l'éponge. Je ne sais plus faire, le monde que je vois et celui auquel j'aspire ne coïncident pas, ce n'est qui n'est pas nouveau, mas je ne comprends plus comment œuvrer à mon niveau pour faire changer les choses. Je suis vieux, empli de valeurs et de certitudes qui ne fonctionnent plus, je suis un homme du 20è siècle et ce siècle est fini - avec, d'ailleurs, un bilan assez mitigé !

D'un côté, il y a le monde, la planète, qui va bien et qui va mal.

Elle va bien la planète, car il n'y a jamais eu autant de création de richesse dans le monde, ce qui se traduit par  un nombre inégalé, historiquement, de gens qui sortent de la pauvreté, par la réussite d'un grand objectif du millénaire, cinq ans avant l'heure, de passer la barre des gens très pauvres en dessous de 1,5 milliards d'individus.  Le peuple de la terre est optimiste et vit l'avenir de façon positive, c'est-à-dire avec des opportunités pour les gens et leurs enfants.  Exception notable, au moins pour les gens comme moi, l'Europe, pessimiste en diable, et la France, qui se singularise encore plus dans ce registre de sinistrose.

Elle va mal aussi la planète, car le changement climatique (CC) s'accélère et ses conséquences deviennent visibles au jour le jour par tous ceux qui analysent le le fonctionnement d'un morceau de l'écosystème. Les modèles, de plus en plus complexes, sont en retard sur les mesures et il semble que leur principal défaut est qu'ils sous-estiment ce qui se passe vraiment : des éléments clés de cette accélération ne sont pas compris, ni pris en compte, ni évalués correctement! Les excès du temps (phénomènes météo majeurs) rentrent petit à petit dans le rang de ce qui es dû au CC, mais on recommence aussi à parler de montée des océans de 20 à 60 m (pas cm !!) et l'année 2011, qui aurait dû être modérée en termes de réchauffement à cause du coup de rafraichissement dû à un épisode El Niña musclé, bat à nouveau des records historiques.

Elle va mal aussi la planète, car l’urbanisation galopante (50% aujourd'hui, 90% en 2050) tend les réserves en eau au-delà du possible et efface la biodiversité de façon drastique.

Dernier soucis majeur, la population va passer par un pic, dans la seconde moitié du siècle, et cela va se traduire par des pyramides des âges où les vieux seront majoritaires - problèmes quasi insurmontables à gérer dans beaucoup de pays.

Il y a là des défis qui collent mal avec le pessimisme des européens, parce qu'ils reflète d'autres préoccupations (l'emploi, le pouvoir d'achat, la paupérisation de la classe moyenne, qui s'étiole), mais pas non plus avec l'optimisme des pays émergents.

Le problème n'est donc pas de réagir de façon subjective à la situation, mas de l'analyser convenablement pour la prendre en compte. On n'a pas besoin d'une démocratie subjective, comme dirait Salmont, mais d'une pensée plus dure, plus préoccupée d'action.  C'est au moins ce que je pense...

Or je ne vois rien de tout cela dans les analyses politiques des candidats à la présidentielle française. Signe que la France vit dans une bulle qui a quitté depuis longtemps l'univers du réel pour fonctionner dans un fantasme collectif et ethnocentrique.  L'Europe ne s'en tire guère mieux, et je ne donnerais qu'un bénéfice du doute aux US dont le pragmatisme compense en partie les dérives nationalistes et les pesanteurs idéologiques. Incidemment, qui parle vraiment d'Europe (ou du Monde) dans la même campagne présidentielle ?

Voir loin, dans l'espace, au moins ma planète, et dans le temps, l'avenir qui sera le vécu de mes petits enfants, semble être une préoccupation dépassée. L'instant et le lieu présents, dans leur fureur vibrionnante, ont effacé le plus lointain.

Ce qui semble important c'est de suivre heure par heure comment les corps d'élite de a police d'un grand état va éliminer un schizophrène criminel auto-proclamé terroriste, puis de commenter ad nauseam les actions des uns et des autres : une déconstruction en temps réel du réel, comme dirait ma femme, une irruption du post-modernisme dans l'instant, qui le fige et le détruit et le freine, dévalorisant tout tentative d'action et de mise en perspective politique. Le présent vibrionnant et déconstruit avec cette même frénésie de l'instant : une mise en abime permanente, une plongée dans les dimensions supplémentaires et circulaires du temps, dont parlent, peut-être, les physiciens.

Où cela conduit-il ? Cela conduit-il quelque part ? Y-a-t-il une vertu à voyager dans un avion sans pilote ?

Sincèrement, je voudrais le croire, mais j'ai de plus en plus de mal à le faire !