samedi 19 novembre 2011

Les subprimes et Mittal...

Les subprimes, c'est un histoire d'emballement de la bourse pour des prêts accordés à des gens qui n'avaient pas les moyens de les rembourser pour acquérir des biens immobiliers. Une tromperie non pas sur la marchandise, mais sur la capacité de la payer, avec l'illusion que la valeur du bien garantissait emprunteurs et prêteurs de tout défaut. Ca a fonctionné tant que le prix de l'immobilier s'est gonflé avec une bulle qui a accompagné celle des prêts, se renforçant l'une l'autre dans un effet Larsen.

Dans la sidérurgie, on a assisté au même phénomène, en 2006, quand l'économie s'est envolée, en particulier la demande d'acier, que les mineurs n'ont pas pu suivre et donc que les prix ont explosé, minerai, coke (de 80 à 500 €/t) mais aussi acier.

La famille Mittal, à l'affût d'investissements pour alimenter sa croissance externe, a lancé sa célèbre OPA sur Arcelor, que les investisseurs éparpillés ont accepté, les analystes expliquant que la prime à l'achat était avantageuse (26,9 G€ à 40,37€/action).

L'affaire conclue, les prix ont continué à flamber et le cours de l'action d'ArcelorMittal (AM) a suivi, remboursant ainsi largement le prix d'achat d'Arcelor. Les autres sidérurgistes ont été emportés vers le haut dans cette bulle et la profession entière s'est dopée à l'optimisme, pendant qu'on admirait la finesse d'analyse de Mittal, qui avait vu cette évolution avant les autres et en avait profité pour doubler la taille de sa maison - c'est ainsi en tout cas que l'histoire a été racontée.

Evidemment, la bulle n'était pas identifiée comme telle à cette époque, où l'on parlait de retour de l'industrie de l'acier à sa vraie valeur, etc. (violons), un discours d'autant plus facile à croire que la sous-évaluation des actifs de l'industrie est une constante mal ressentie par les industriels. Riche de l'explosion de sa valeur patrimoniale, ArcelorMittal a poursuivi sa croissance boulimique, avec cette vision prophétique qu'il était urgent de se préserver des à-coups des marchés de matières premières en s'intégrant vers l'amont et donc en enfilant les habits de mineur. L'histoire est remplie de professions qui ont émigré loin de leur coeur de métier et ont réussi ce pari, LOL ! Les achats ont été réalisés à coups d'emprunts que les banques octroyaient bien volontiers à une entreprise, riche, visionnaire et si bien gérée. Garanties sur la valeur de la société.

Arrive la crise de 2008. Le groupe AM fait preuve d'habileté, puisqu'il réussit à maintenir sa rentabilité tout en réduisant sa production de 50% - ce que font aussi les concurrents. Et il continue à acheter mines de fer et de charbon et à lancer leur mise en exploitation à des coûts fantastiques.

Une courte pause est nécessaire pour indiquer en quoi les métiers de sidérurgistes et de mineurs sont différents :
  • dans le premier cas, une gestion à court terme est nécessaire, pour adapter la demande à l'offre.  La crise de 2008 a montré que la marge de manoeuvre était beaucoup plus large qu'on ne l'avait pensé par le passé. On est donc dans ce métier sur une temporalité courte, même si la gestion des investissements exige une vision à plus long  terme - mais on n'investit pas beaucoup dans la maison AM hors croissance externe. 
  • dans le second cas, il faut une temporalité beaucoup plus longue, pour identifier, acheter et mettre en exploitation de nouvelles mines (une dizaine d'années), puis pour en gérer la production.  
La complémentarité de ces deux temporalités n'est pas évidente, comme le désengagement de Rio Tinto de ALCAN vient de la mettre en évidence une fois de plus. Parenthèse fermée.

La bourse et ses analyses, qui voient les marchés de l'acier croître moins vite que par le passé - en tout cas ceux où AM est implanté - croient de moins en moins à la santé future du groupe et le prix de l'action baisse de 62 (62,89 € le 23/06/2008) à 13 € (13.075 € le 19/11/2011) ce qui met la valeur du groupe et ses 1,5 milliards d'actions à 19,5 G€, soit les deux tiers de ce qui a été payé pour racheter Arcelor, qui n'en constitue qu'une petite moitié).

A ce point de l'histoire, le scénario ressemble diablement à celui des subprimes. On a emprunté beaucoup d'argent, gagé sur le prix d'une entreprise qui vaut aujourd'hui 5 fois moins cher.

Alors, que nous réserve l'avenir ?

Les analystes financiers annoncent encore une prévision de cours de 60€/action pour AM : l'économie va passer le gros ralentisseur qui est sur la route et se remettre à rupiner semblent-ils dire.

Ailleurs, c'est la cacophonie, où on mélange tout. Côté Krugman, pour qui j'ai un faible, la crise de 2008 ne nous a jamais quittés et on n'en sortira pas sans une relance 3 ou 4 fois plus forte que celle de 2009. De l'autre côté, les moralistes, qui assimilent l'économie à un monde biblique, comme les républicains US ou les Chrétiens démocrates allemands, pensent que la vertu et l'effort sont nécessaires le plus vite et le plus dur possible. Evidemment, à force de saigner le malade, il va finir exsangue et cela peut très vite conduire au comas irréversible.

Que va-t-il arriver à AM pris dans ce maelström ?

Si tout va très bien, madame la marquise, l'économie va se ressaisir : les pays émergents, qui donnaient des signes d'essoufflement, vont repartir comme en quarante et les pays développés afficher des croissances faibles mais pas nulles. La production d'acier remonte, même en Europe, et on se ré-endort en attendant la prochaine tempête. Les élections démocratiques vont continuer à pratiquer les chaises musicales en ramenant les oppositions, quelles qu'elles soient, au pouvoir. Les actions de AM vont remonter, mais 60€ me paraissent complètement délirants, à moi qui ne suis pas un analyste boursier.

Si la crise se durcit, alors sauve qui peut ! La bourse va plonger, les banques vont manquer de liquidités, les états européens d'abord et tous ceux qui ont de fort déficits budgétaires et commerciaux ensuite, vont tomber en faillite. Scénario crise de 29, relisez vos livres d'histoire. Les usines vont fermer, les entrepreneurs sauter par les fenêtres (c'est pour cela qu'il vaut mieux avoir un bureau dans un petit hôtel particulier en Europe, que dans un high rise àWall Street). Les indignés vont attraper les banquiers et les attacher à la lanterne, morts ou vifs, avec ou sans leurs attributs masculins.

La vérité est probablement quelque part entre ces deux scénarios très contrastés, elle l'est presque toujours.  AM peut abandonner l'Europe, c'est-à-dire fermer ses usines ou les vendre, à supposer qu'il y ait acheteurs. Ou simplement dégraisser, belle expression, et ne garder que ce qui fait sens pour eux. Ou encore se battre, pour que ce soient les concurrents qui ferment leurs usines...

Oh, que je voudrais avoir une boule de cristal et des histoires plus optimistes à raconter !





vendredi 18 novembre 2011

De quoi parle la politique...

et ceux qui la commentent, comme d'abord la presse ?

Elle, ils parlent de soi, d'eux-mêmes, de leurs rapports compliqués entre eux, immédiats, tactiques, de fait de pouvoir, immédiat, sur le terrain, guidon de vélo.

Cette histoire de négociation entre le PS et les Verts, dont j'ai parlé hier, a été analysée dans la presse avant tout comme un rapport de force entre les deux partis, souvent synecdotisés dans leurs leaders - ou dans deux leaders, ce qui apporte une dimension supplémentaire de commentaire facile.

Qui a marqué un point, pris le pas sur qui ? C'est une course, une compétition sportive, métaphores policées d'un combat ou d'une guerre. Peu importe le sujet de l'échange - de balle, LOL, seul le débat importe et son issue, qui sera essentielle pour les 12 heures ou les 72 heures qui viennent, puis on reprendra la narration là où on l'avait laissée. C'est le narratif qui prime, le fil de news ou le flux RSS que cela engendre, espèce d'ADN qui porte la réalité, visible mais en même temps cachée.

A un niveau plus politique on peut peser Duflot contre Hollande ou Duflot contre Joly ou contre Cohn Bendit, mais cela aussi laisse le fond du débat de côté. L'avenir ne s'inscrit pas seulement au travers des partis politiques, qui portent en principe la vie dite démocratique, mais des questions que cette vie démocratique doit abordée en vue de les résoudre. Tellement banal et évident et si peu abordé !

 Le fond, donc, ce sont ces partis politiques qui parlent de mix énergétique pour la France en 2050 et au- delà. Ce sont des questions essentielles et complexes. Ceux qui en parlent ont besoin d'une expertise qui dépasse le simple bon sens. Or, le discours politique se place au niveau du bon sens et nie ainsi la complexité du monde, mais surtout l'intelligence et la culture des citoyens et les années d'éducation formelle et sur le terrain qu'ils ont reçues.

On ne peut donc pas savoir si les politiques ont cette expertise ou y ont accès. Accès, sans aucun doute, car cette expertise est partout, mais ils ne donnent pas beaucoup de preuves de s'en servir ni même de la comprendre. Premier point.

Ensuite, qui doit "débattre" de ces questions ? Aujourd'hui les débats sur le sujet sont sans fin, dans toutes sortes de milieux, y compris des milieux académiques - lesquels d'ailleurs qui fonctionnent dans des communautés fermées.

Mais, concrètement, le cours des choses est porté par des courants historiques, dont la maîtrise n'est pas acquise, euphémisme, car elle n'existe tout simplement pas : on est en présence d'un espèce de match sportif dans lequel plusieurs équipes jouent les unes contre les autres, avec des alliances, et seul le bookmaker peut éventuellement imaginer où cela va conduire.

 Donc doit-on échanger une centrale nucléaire contre une circosncription électorale et ainsi laisser les partis s'emparer de ce sujet ? Ou en débattre dans une assemblée du peuple, nationale ou locale, un Grenelle à la française, un Forum ou une agora ? Un referendum à la grecque ? Des journées d'études ? Des livres blancs ? Tout cela probablement tout en reconaissant qu'il serait stupide d'être trop catégorique, trop précis, car l'avenir dont on parle ici échappe largement à la pensèe et à l'action des myopes.

 Ce qu'il faut donc, c'est développer des lunettes contre la myopie. On peut les appeler, politique, philosophie, culture, érudition, modestie et ambition intellectuelle ?

mercredi 16 novembre 2011

Les Verts sont-ils écolo ?

Nicolas l'a échappé belle en quittant le bateau avant qu'il n'aille se fourvoyer dans les eaux troubles de l'idéologie, du dogmatisme, de la dialectique d'extrême gauche et de la bêtise !

L'accord de marchandage électoral que le PS et les Verts viennent de signer est une pure aberration. Sous prétexte de se partager un gâteau qui n'est pas encore cuit, voici nos amis verts qui ressortent leurs certitudes, leurs fantasmes et leurs rêves à propos de politique énergétique, font du chantage à leurs camarades de gauche un peu coincés et rafflent au passage 60 circonscriptions, à partir desquelles ils vont pouvoir monter une grosse machine de propagande aux frais des contribuables, sous couvert d'un groupe à l'Assemblée nationale. On voit bien l'intérêt des Verts, moins celui du PS...

Quel est le problème écologique majeur auquel nous sommes confrontės ? Le changement climatique. Où en parle-t-on dans cet accord - ou dans le discours politique actuel en France? Nulle part !

Cela disqualifie les Verts de se présenter comme un parti écolo - et ne rejaillit pas positivement sur le PS non plus.

Les Verts doivent donc changer de nom : Verts de gris ? Verts à sabler le champagne ?

Il y a aussi cette bizarre attitude qui consiste à penser que les partis politiques doivent décider de la politique énergétique de la France ! Comme si cela allait de soi, à la Pompidou, alors que ce qu'a fait Pompidou - choisir le nucléaire -l'a été il y a 50 ans et que cela ne peut pas sérieusement servir de modèle, à moins qu'on renonce à toute prétention de modernité.

En outre, en 2012, on ne peut guère décider d'option énergétique dans le vide, sans penser à un bouclage global, au niveau des énergies et au niveau de la planète ! Et ce genre de "décision" ne peut pas être pris par une faction, une fraction des parties prenantes. Qui pire est, sans débat, au nom d'évidences qui n'en sont pas et qui préemptent tout échange et toute analyse.

Le monde est bien plus compliqué que les Verts ne le pensent, encore plus complexe qu'ils ne le sont eux-mêmes !

samedi 12 novembre 2011

Prestidigitation financière, économie réelle et crise

Que diable se passe-t-il dans le monde ? Crise ? Changement majeur de paradigme par rapport aux marionnettistes qui tirent les ficelles du monde ? Pas simple de s'y retrouver dans un univers saturé d'information et néanmoins largement dépourvu de sens : "savoir sans comprendre n'est que ruine de l'âme" aurait pu écrire Rabelais ! Si l'on écoute, tout se dit, tout est dit tellement il y a d'experts dans le monde et tellement la presse leur donne la parole; mais façon micro-trottoir, à la charge de chacun d'y retrouver ses petits ou une pensée cohérente !

En ce moment, c'est l'Europe qui trinque, ce qui est probablement une vision euro-centrique des choses.
On nous explique, en Europe, que les états se sont endettés au delà du raisonnable, et qu'il faut cesser de le faire, durablement, à grand renfort de plan de rigueur, de coupes sombres dans les dépenses des états et d'augmentation des impôts.
L'explication est un peu courte, car l'endettement est la source principale de la croissance, la croissance de la richesse collective, la croissance économique et la croissance du niveau de vie, toutes choses pas équivalentes mais très corrélées entre elles.

Ce sont les banques, qui ont le rôle de prêter de l'argent, en créant de la monnaie qu'elles n'ont pas, un droit que le pouvoir régalien leur accorde da façon assez extraordinaire. Elles créent de l'argent pour prêter à l'économie, aux États et au monde financier. Elles décident aussi du meilleur moment pour rappeler les sommes prêtées, au travers des taux d'intérêt des prêts, et des mécanismes techniques de refinancement des dettes. En ce moment, les banques rappellent les prêts souverains de certains pays européens, sur la base de la "confiance", qu'elles leur accordent. Les notes des agences internationales de notation les aident à raisonner, mais le rapport n'est pas vraiment direct, car, par exemple, les États-Unis paient des taux inférieurs à ceux de la France, bien que leur "note" soit plus basse (AA au lieu de AAA).
Les Etats, ou plutôt les banques centrales qui émettent de la monnaie, ont aussi le pouvoir de créer de l'argent, comme des alchimistes - encore qu'eux prétendaient créer de l'or, ce qui est bien mieux ! Mais, en Europe, les Etats ont abandonné ce privilège, pour ceux qui font partie de la zone Euro (ZE), alors que les USA (8,8% du PIB), le Japon (7,7%), l'Angleterre (10,2%), qui ont des déficits budgétaires beaucoup plus importants que l'Italie (4,6%) ou la Grèce (38,8%) ou la France (6,9%), en absolu d'abord et en relatif au PIB ensuite - à la Grèce près dont le poids est très faible. La moyenne du déficit mondial des états est à 5,3% du PIB et la dette moyenne à 59% du PIB.
Comme par hasard, ;-), ce sont les États, qui ont conservé une planche à billets active, qui résistent aux "attaques" ou à l'inquiétude des marchés financiers : ils peuvent en effet créer de la monnaie pour payer leur dette, ce qui provoque certes de l'inflation et un glissement de la valeur  de leur monnaie, mais "règle" la question. La Banque européenne, qui a les clés de la planche à billets en Euros, se refuse à utiliser cette méthode, pour des raisons qui mériteraient un blog entier, et donc les pays de la zone Euro sont traités par les marchés financiers un par un, comme les Horaces contre les Curiaces.  L'inquiétude des marchés financiers, comme on dit pudiquement, traduit le fait qu'ils s'interrogent sur la solidarité entre pays de la ZE et sur les raisons pour lesquelles ils tardent à mettre en place des instruments qui arrêteraient immédiatement le hallali, les euro-bonds pour commencer et un fédéralisme européen ensuite.
Voilà pour l'analyse conjoncturelle, macro-économique mais micro-temporelle.

Il reste quand même beaucoup de questions plus vastes qui méritent un peu plus réflexion.

1. La première est liée à la création de monnaie pour tirer le monde vers moins de pauvreté et un peu plus de bien-être, ce que les économistes assimilent largement à la croissance économique.
Aujourd'hui, si on compare la valeur de l'économie réelle (le PIB) à celle des actifs financiers et des instruments dérivés, on trouve des rapports de 1 à 3 et de 1 à 7 : l'économie financière, dans son ensemble, représente donc environ dix fois la valeur de l'économie réelle. Est-ce raisonnable, est-ce efficace, est-ce comme cela qu'on va créer moins de pauvreté ?
Pour construire l'avenir, on emprunte de l'argent, ce qui représente au niveau mondial 1,7 fois le PIB; si on y ajoute la valeur des actions placées en bourse, on ajoute 0,9 PIB, soit, l'un plus l'autre 2,6 fois le PIB.  On peut dire que c'est proche de la valeur des actifs financiers cités plus haut.  Évidemment, c'est beaucoup plus que mon endettement personnel, car, en bon père de famille, je dispose d'un solde d'épargne net positif - mais cela doit bien aider les banques, avec l'effet multiplicateur lié à ces milliards de gens qui font comme moi dans le monde ! Mais par rapport au taux d'épargne des ménages, grossièrement hic et nunc autour de 10% de leurs revenus, la création de monnaie est plusieurs fois plus importante.
Ce qui semble poser problème, ce sont les instruments dérivés, dont la valeur est deux fois plus importante que celle des actifs financiers et 7 fois plus grande que le PIB. En principe, on devrait y voir le prix de l'assurance du risque, mais qui paierait une assurance aussi démesurée par rapport à ce que l'on veut assurer ? Même si on ne compare plus au flux qu'est le PIB, mais au stock que sont les investissements, le compte n'est pas encore bon, au moins d'un facteur deux ! Certains vont donc parler à ce propos de rémunération de la spéculation. Sans évoquer d'arnaque, on peut peut-être parler de bulle et prédire que cela étant largement le résultat de mécanismes réflexes des financiers, hommes et robots - comme chez Asimov, qui n'ont pas de "réalité" tangible, le phénomène va, un jour, disparaître dans le bruit et la fureur, soit ceux d'un crash, soit ceux des indignés qui iront suspendre les banquiers à la lanterne.
Il parait urgent de réguler la création monétaire du secteur financier dans le monde des produits dérivés. Comme ce n'est guère évident à faire, autant commencer tout de suite !

2. la deuxième question concerne l'économie réelle, le PIB donc.
La richesse créée dans ce monde réputé plus dur que le monde de la finance est-elle "raisonnable", c'est-à-dire équitable ou juste, pour parler simplement. Rien n'est moins sûr....
L'économie d'un côté créée des biens et des services dont une partie répond aux besoins dont la satisfaction définit le bien-être, alors qu'une autre partie est soit destiné à un petit nombre, comme le luxe, soit ne correspond qu'au bien-être des acteurs socio-économiques qui les produisent : je veux parler des produits de très médiocres qualité qui ont été imposés par des techniques admirables de commercialisation et de marketing, genre Windows pour ne citer qu'un seul exemple, des marges pantagruéliques que les intermédiaires marchands des chaines de valeur s'attribuent plus ou moins sans contrôle, ou des privilèges de certains groupes, comme les syndicats de la presse ou des dockers en France.

En outre, un autre effet, qui me semble assez peu discuté, est lié au niveau des prix dans des zones économiques données. Ainsi, le niveau des prix en Europe est très supérieur à celui qui prévaut en Afrique, par exemple, ce qui a une image miroir dans les revenus des acteurs économiques. Exprimer le PIB en PPP ne prend en compte que le rapport de ces deux choses, donc néglige complètement le dumping de hauts revenus, qui permet aux pays riches de se payer la producteur industrielle des pays émergents et les matières premières des pays pauvres. On parle volontiers dans les pays riches de dumping social, alors que ces mêmes pays ont une pratique inverse en faisant du dumping de "hauts revenus". 
Longtemps a existé un compromis international sur le fait que cette répartition des tâches au niveau de la mondialisation permettait de tirer les économies des pays pauvres vers le haut, mais les effets rebonds maintenant sont tellement importants qu'on a atteint les limites de ce système, me semble-t-il. Cela se traduit par des pays pauvres piégés dans la trappe de la pauvreté et par une paupérisation des pays dits riches, où la proportion des pauvres et des faibles augmente (contrairement à ce qui se passe aujourd'hui dans le reste du monde) car les riches deviennent plus riches.

Ces déséquilibres excessifs, ces bulles du monde économique réel, ont probablement eu un impact important sur la crise - celle de 2008 et celle d'aujourd'hui qui est probablement la même - et en auront de plus en plus dans l'avenir.

La crise actuelle relève donc d'une "perversion" des systèmes économiques et financiers inventés en occident et adoptés par le monde entier - ou d'une saturation de leurs effets positifs. Il est urgent d'en prendre acte et d'agir en profondeur, si l'économie doit participer au maintien et à l'augmentation du bien-être des personnes.

D'autant que l'avenir, ce n'est pas la crise économique ni sa résolution, ce sont les contraintes écologiques. Aujourd'hui, les climatologues annoncent sans que qui que ce soit semble beaucoup les écouter, que les 2°C de réchauffement, qui constituent le maximum tolérable sans dérèglement majeur de la vie en société telle qu'on la connait, ont très peu de chance (= n'ont strictement AUCUNE chance) de ne pas être dépassés. On constate en effet une accélération du changement climatique, qui serait sur une trajectoire de 6°C.  Une perspective proprement apocalyptique qui fait apparaître la vie sociale et politique actuelle comme un jeu de "fin de règne".

Il est bien dommage que ni la droite, ni la gauche, ni les écologistes (politiques) ne parlent de cela. Sarkozy Néron, Hollande Caligula et Joly, Lucrèce Borgia ???  Aucun ne ressemble physiquement à ces modèles, LOL, mais l'analogie est forte !!!





vendredi 11 novembre 2011

7 milliards de co-voyageurs...

Proposant un cours minimaliste de démographie, la presse a annoncé, la dernière semaine d'octobre 2011, que le 7 milliardième être humain venait de naître. L'assemblée annuelle de l'Académie Royale des Sciences et des Technologies suédoise aussi, ajoutant que c'était une bonne chose, que l'avenir allait être intéressant. On a même dit 1 milliard d'habitants de plus en 12 ans. Et pas grand monde ne s'est risqué à dire quand le prochain milliard surviendra et le prochain et jusqu'à quand cette croissance durerait. 

Passons quelques secondes à contempler cette merveille d'une population où les gens naissent et meurent en très grand nombre à chaque instant, et pourtant ce dimanche 30 octobre, un compteur qui n'existe pas a, semble-t-il, dépassé 7 dix puissance 9. Deux pays ont même annoncé que le 7 milliardième habitant était né chez eux. 

Ce chiffre de population est pourtant une abstraction absolue, car personne ne sait vraiment quelle est la population du monde à quelques millions d'individus près, elle varie tout le temps et il n'est pas sûr, qu'elle croisse tout le temps : de temps en temps, pendant quelques secondes, ou quelques jours, elle doit décroitre ! Elle l'a fait pour près d'un siècle au temps de la grande Peste, quand la population européenne, la plus grande du monde, a été divisée par deux. Elle l'a fait aussi au néolithique, quand les peuples se sont sédentarisés et ont pris l'habitude de faire beaucoup d'enfants, pour compenser la mortalité des tout petits, tués par les nouvelles maladies transmises par la promiscuité avec les animaux nouvellement domestiqués.

Quelque organisation, quelque part, a décidé de créer un évènement qui n'existe pas vraiment, qui n'est pas mesuré ni mesurable et d'annoncer cet événement majeur que la terre porte plus de gens qu'elle n'en a jamais porté. L'ONU ? Des gens qui portent un message malthusien ou au contraire des optimistes comme les Suédois, ou Francis Mer au WMP de Nancy ? La presse ne cite pas ses sources et c'est dommage. Un petit tour de main pour faire croire qu'elle n'est là que pour rapporter des évènements réels, all the news that's fit to print, et pas seulement des évènements préparés, éditorialisés, fabriqués.

La vraie question qu'on aurait pu aborder, c'est pourquoi 7 milliards et pas deux milliards ou 15 milliards. 

Ou encore, pourquoi la population croit-elle ? Pourquoi croit-elle en ce moment ? La croissance démographique est un fait relativement nouveau, qui n'a pas toujours été de règle, par exemple au temps des chasseurs cueilleurs : pendant des centaines de millions d'années, la population du monde est restée stable.  Ce n'est qu'avec l'arrivée de l'histoire, donc de l'écriture et d'une certaine prospérité, que la population a commencé à croitre, puis à exploser exponentiellement. Où est l’œuf, où est la poule ? Probablement ailleurs, dans des opportunités faites de hasards qui ont déclenché des évènements irréversibles, des machines à cliquets 

D'ailleurs, cette croissance de la population est celle de l'homme - c'est évident, n'est-ce pas ? Les espèces vivantes, elles, ne croissent ni en nombre, ni en volume, et sont même en déclin, un déclin très rapide avec cette cinquième destruction majeure de la biodiversité que les hommes scientifiques annoncent - grande découverte ? La croissance de la population n'est que celle d'une petite niche écologique. 

Si on s'en tient à l'histoire récente, la croissance de la population est due à la transition démographique, un grand mot, qui est un mot valise et qui n’explique pas grand chose. elle exprime simplement que la natalité n'évolue pas aussi vite que la mortalité, ce qui conduit à deux effets miroirs l'un de l'autre, plus de gens vivants et des gens vivant plus longtemps : en terme plus clairs, les gens meurent moins tôt et moins jeunes, alors que les naissances se poursuivent pendant un certain temps au même rythme.

Côté mortalité, il y a là les bénéfices de la "civilisation", cette flaque culturelle venue d'occident, qui s'est étalée sur le monde entier, à la faveur des grandes migrations européennes, des vagues de colonisation, des guerres (si, si !) et du commerce international. Les ONG, les religions et l'humanitaire ont aussi joué un rôle important dans cette campagne mondiale contre la mort, la mort immédiate, et donné une connotation positive à tout cet effort.

Mais il faudrait vérifier, dans cent ans par exemple, que la chasse à la mort immédiate, ne s'est pas faite au détriment de la vie des générations futures !

Techniquement, c'est la mondialisation de l'hygiène, dont l'un des inventeurs est par exemple Louis Pasteur qui "a fait naître les microbes" (Bruno Latour), qui a limité l'impact meurtrier des bactéries tueuses héritées des animaux il y a huit millénaires (plus quelques autres). Cela est dû en particulier à l'amélioration, partout où c'était possible, de la qualité de l'eau. On trouve en filigrane, derrière ce décors, l'action des grandes entreprises de chimie, vendeuses de molécules actives de chlore, preuve de leur action sociétale positive (comme on dirait aujourd'hui) et gage de la croissance de leurs chiffres d'affaire.

L'autre élément de cette réduction de la mortalité est la médecine et sa pharmacopée, mélange là aussi d’œuvre civilisatrice et d'immenses profits pour les industries de la chimie fine. Et, pour être juste, derrière la médecine, il y a la biologie sans laquelle les médecins ne seraient rien ! Pasteur était un biologiste, pour ceux qui l'auraient oublié !

Ces sont ces deux dynamiques qui ont déclenché la chute assez rapide de la mortalité, dans toutes les régions du monde et, par une effet vertueux, la croissance du niveau de vie, qu'on a pu longtemps confondre avec celle du PIB. Il y a des contre-exemples, cependant, comme Cuba, où la médecine et la pharmacie sont très développées alors que le PIB stagne (Cuba aide aussi beaucoup Haïti, hic et nunc).

La hausse du niveau de vie renforce hygiène et l'utilisation efficace de la médecine, même si elle a aussi aidé à développer des pathologies d'une autre nature, qui ne s'exprimaient pas auparavant dans un monde aux vies courtes : les maladies virales, les nouvelles maladies comme le SIDA et, surtout, le cancer. Le cancer a aussi une relation forte avec des lobbies industriels comme ceux du tabac. Celui du sucre a aussi pas mal de responsabilité sur un spectre de maladies plus large.

En résumé, la chute de la mortalité est due à l'occidentalisation du monde, à l’histoire assez mouvementée du 19è et du 20è siècle, pleine de conflits et de guerres, et à la mercantilisation des biens d'hygiène et de santé. Des phénomènes relativement rapides et qui ont bénéficié de l’accélération du temps dont on se plait à parler en relation avec notre monde moderne et post-moderne.

Quid de la natalité ? Elle n'a pas réagi aussi vite : ce n'est que dans les pays où le niveau de vie a monté de façon nette, ce qui prend du temps, qu'elle a régressé au point d'ailleurs de tomber ici et là en dessous du taux de renouvellement de la population locale. De fait, la corrélation est peut-être plus forte avec l'éducation qu'avec la richesse, et probablement encore plus avec l'éducation des femmes.  L'effet sur les individus est là aussi très rapide, comme le montre la chute de la natalité dans les populations immigrées en Europe occidentale : ce sont les sociétés qui évoluent plus lentement.

Le résultat de tout cela est que les pays riches ont une croissance démographique lente, voire stagnante ou négative, alors que les pays pauvres croissent très rapidement et que les pays émergents sont en transition, avec des pics de population annoncés à terme court pour la Chine et l'Inde par exemple. Cela a conduit le peuplement de la planète à se déplacer vers l'Asie, ce qu'on traduit habituellement en disant que le c'est le centre de gravité économique qui s'y est déplacé, une confusion de nature synecdotique. Au siècle prochain, le 22è, ce sera, peut-être, au tour de l'Afrique de prendre un rôle de leader sur la planète, si le sida, le paludisme et le changement climatique lui en laissent l'occasion.

Les propos cinophobes qu'on tient en Europe, pas seulement dans les milieux xénophobes et ethnocentriques, sont liés à cette "découverte" que l'action qu'on a dit civilisatrice de l'occident (...!) a conduit à déplacer le pouvoir du nombre (d'habitants et de dollars/yuans) vers l'extrême orient.

De fait, c'est à un réexamen du rôle historique de l'Europe, que cela devrait conduire. Car, au premier siècle de notre ère, deux villes dans le monde dépassaient 1 million d’habitants : Rome et Pékin/Beijing. Nous sommes donc revenus, après deux mille ans, à une réalité historique ancienne !

On pourrait aussi se dire que si l'Europe et l'Occident avaient exporté l'éducation pour les femmes aussi efficacement que leur eau de javel ou leurs antibiotiques, la planète ne serait pas aussi peuplée qu'elle l'est aujourd'hui. Ni aussi urbanisée, ni aussi créatrice de nouvelles maladies, etc. Peut-être la biodiversité se porterait-elle mieux également.

Mais sauf à adhérer aux nouvelles théories de la physique qui parlent d'explosion de réalités parallèles (e.g. Hawking), et de le faire de façon quasi-littérale, ce genre de remarque relève, un peu, du café du commerce. La passé est mort ou appartient à des réalités auxquelles nous n'auront jamais accès et seul l'avenir est en face de nous. Nous pourrions peut-être, grâce à la politique et au bon sens, avoir une influence sur lui... ?

En commençant cet article, je me demandais si la croissance démographique avait un rapport avec le flèche du temps.  Je n'en sais rien du tout et c'est de fait peu probable, puisque la croissance de la population devrait se terminer dans le courant de ce siècle. Du fait de la fin de la transition démographique ou, pire, de catastrophes liées à la croissance démographique qui pourraient siffler la fin du jeu ou de la partie !