samedi 12 septembre 2009

Carbon tax...

On ne parle que de cela en France depuis un bon mois et personne n'y comprend rien. Les gens se bousculent néanmoins pour donner un avis et la plupart du temps il est négatif. On fait même des micro-trottoir dessus. Le plus amusant était une femme qui disait qu'elle en était au bio pour sauver la planète et qu'elle prendrait la question du carbone après.

Digression, c'est intéressant de parler du bio, car en général il ne répond pas aux critères classiques du développement durable, ce qui interpelle à la fois ceux qui font des produits agricoles bio et ceux qui définissent ce que c'est que le développement durable... Il y a pas mal de gens qui travaillent là-dessus en dehors des média, dieu merci, car çà demande une réflexion de fond et pas un débat, j'ai envie de dire, "à la con". La lumière en sortira peut-être.

Donc taxe carbone.

Vieille idée, que les industriels connaissent bien depuis 5 à 10 ans maintenant. Mais ce qui est nouveau c'est que le concept aussi dorénavant va s'appliquer aux citoyens, pris un par un.

Le fond du problème est de trouver des moyens simples et efficaces de réduire les émissions anthropiques de gaz à effet de serre et de le faire vite et fort. On peut donc prêcher en mettant les acteurs devant leurs responsabilités et croire à leur réflexes éthiques, pour prendre les mesures adéquates qui relèvent d'eux, ou au contraire les obliger à agir, par exemple en touchant à leur porte monnaie.

Le porte monnaie des entreprises a été d'abord dans le collimateur selon le principe qu'il faut commencer par les gros émetteurs, parce que c'est plus facile, que çà se voit (utile pour un politicien qui doit se faire réélire, d'autant que les entreprises ne votent pas ) et que çà permet de résoudre d'un seul coup un gros morceau du problème. L'Union européenne, répondant au lobby des industriels, a ainsi proposé un système de marché de droits d'émissions dit cap and trade, dont le bilan est pour l'instant mitigé.

Certains industriels expliquent d'ailleurs que le système leur est défavorable... souvent les mêmes que ceux qui en ont profité en vendant les surplus de droits d'émission acquis gratuitement de la part des états. Toute une machine financière s'est organisée autour des marchés du carbone avec un flot de courtisans et de consultants de tout poil, mais une relation directe avec des baisses d'émissions clairement identifiées reste à démontrer malgré 4 ans de fonctionnement du système. La raison profonde en est probablement que le coût du carbone n'a jamais atteint des niveaux suffisants pour que des parades efficaces soient mises en place, ceci étant dû à une surabondance de l'offre de droits par rapport à la demande. La commission devrait faire gérer toute sa politique dans ce domaine par l'OPEP qui étranglerait les vannes de droits gratuits attribués sous forme de quotas !

Le marché des droits est actuellement à 14,5 €.

Les débats sont en fait plus complexes et les protagonistes pensent que le système devrait finalement prouver son efficacité. Les surplus systématiques sont en effet liés à des maladresses de mise en place et, plus récemment, à la crise économique. La Commission est donc déterminée à prolonger le système au moins jusqu'en 2020 et d'autres régions du monde vont vraisemblablement s'en inspirer. Les industriels, quant à eux, continuent à crier au loup qui les étrangle ou est sur le point de le faire !

Deuxième partie du dispositif, toucher les acteurs individuels. C'est la taxe carbone proposée par le Grenelle de l'environnement, celle qui est au coeur des débats actuels.

Le citoyen consommateur paie une taxe proportionnelle à ses émissions. Les détails sont un peu flous sur la façon de le faire, mais on peut penser que toute émission directe sera taxée, l'essence de sa voiture comme le fuel de son chauffage. Les émissions indirectes ne le seront pas par le consommateur final, mais le producteur qui en a été responsable aura payé la taxe et la fera passer à ses clients au travers des prix. Facile à faire, si les prix sont fixés localement, comme ceux de l'électricité, moins facile à faire s'il le sont ailleurs par un marché mondial, par exemple, comme ceux de l'acier, par décret ou par des situations de monopole, comme le prix du lait. Mais il y a l'artifice de la taxe aux frontières, un taxe de Pigou, pour mettre sur un plan d'égalité un marché isole avec taxe et un contexte international sans taxe.

Plus j'émets, plus je paie. Une version individualisée du principe du pollueur-payeur.

Un débat s'instaure d'ailleurs de savoir si la taxe individuelle ne devrait pas seule subsister par rapport à la taxe industrielle. Un peu comme si l'état basait toutes ses rentrées fiscales sur la TVA. Mais surtout comme si toutes les arbitrages étaient décidés par le consommateur final. J'ai un peu de mal à croire que cela puisse démontrer une vraie efficacité !

Voilà les éléments du dossier.

Donc, si on est convaincu que la menace primordiale c'est le changement climatique et qu'il faut le combattre par tout moyen disponible - et il serait suicidaire, inconséquent ou carrément pervers de prétendre le contraire, la taxe carbone doit être accueillie de façon positive, voire enthousiaste : enfin on s'adresse directement aux citoyens sur ces questions qui vont déterminer le quotidien de leurs enfants et de leurs petits enfants, qui feront la guerre et la paix au milieu du siècle, la vie et la mort d'une fraction importante de la population du globe !

Mais que voit-on ?

Un gouvernement qui minimise la question, qui ne la place pas dans son vrai contexte, qui explique que 14 ou 17€, ce n'est pas grand chose.

Une opposition qui s'insurge sur le fait que ce sont les plus défavorisés qui vont payer, comme si la menace du changement climatique n'était pas d'abord une menace pour eux !

De vrais et de faux écologistes qui discutent des moyens, de la mise en oeuvre, du timing de l'annonce, bref de la couleur de l'emballage.

Et des citoyens, pris en otage dans un débat qui n'a jamais eu lieu, qui déclarent que non, ils ne veulent pas de taxe. Moi non plus je ne veux pas vieillir, je ne veux pas mourir, je ne veux pas être malade, je ne vaux pas souffrir. Encore que...

J'ai vraiment honte de cette kermesse, de ce canular.

La presse pourrait évidemment faire un peu d'investigative reporting, en se mouillant un peu la chemise, et expliquer pourquoi les pays qui ont déjà une taxe de ce genre ont démontré des réductions d'émissions et, comment çà va fonctionner au niveau des réflexes individuels.

Pourquoi je vais arbitrer entre un service plus cher à cause de ses émissions par rapport à un qui sera moins cher. Comment les constructeurs de voitures vont mettre plus rapidement des voitures électriques sur le marché. Comment les gens vont s'intéresser de plus près à l'affichage carbone qui brusquement sera en liaison directe avec leur porte monnaie. Et comment, ils vont brusquement penser un peu à leurs descendants et, pourquoi pas, aussi à leurs vieux jours.

Donc, Sarkozy dans son universelle sagesse a donc décidé que la taxe vaudra 17€. Mais dans 5 ans, dans 10 ans combien vaudra-t-elle ? Mon petit doigt m'a dit que les économistes, dont certains sont mes collègues et mes amis, parlent de 400 à 600 € en 2050 ! Cà aussi on n'en parle pas beaucoup dans les discours politiques ou dans les média, mais le dire permet d'affirmer avec une certaine force qu'à ce niveau les effets seront immédiats, en fait rétroactifs !

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Je ne sais pas si cela mérite un paragraphe, mais les petits malins disent qu'on va être taxés sur notre respiration. C'est à la fois idiot comme remarque, car les émissions en question sont tout à fait négligeables par rapport aux émissions anthropiques, et pas complètement idiot dans la mesure où cela rappelle que les émissions anthropiques sont directement proportionnelles à la population.

samedi 5 septembre 2009

Madame la marquise...

L'été s'achève, repère essentiel dans le calendrier symbolique des Français.

Le monde redémarre avec la rentrée, rentrée des classes, des parents, du gouvernement - ne faut-il pas donner l'exemple - , de l'économie.

Comme si la formule 1 (ou 2 ?) de l'économie française s'était arrêtée au stand pour 3 mois et avait cessé de voir les autres voitures tourner pendant ce temps-là sur le circuit.

Les journaux de télévision on dégouliné de reportages au goût de sucreries factices sur les plages, les hôtels, les campings, les embouteillages, alors que les journaux plus sérieux parlaient de livres, de spectacles, de festivals, de culture. Le monde hors la France a (presque) disparu des médias et on pourrait penser que cette absence signifie qu'il est tombé lui aussi dans le gouffre des vacances.

En France, on voit vraiment la vie comme deux univers parallèles, la vie normale et les vacances, qui se séparent tous les étés et ont peine à se réemboiter ensuite. Mais qui vont à nouveau se dissocier chaque soir, chaque week end et pendant ces merveilleuses RTT, cadeaux de la fée des 35 heures.

Les journaux devraient d'ailleurs avoir des éditions normales et des éditions pour les RTT. Second Life descendue sur terre !

Pendant nos vacances donc, alors qu'on se ressourçait, à la façon de l'inconscient qui répare les traumatismes de la journée passée pendant le sommeil, l'économie s'est réparée. La crise s'est arrêtée. La chute a été freinée. La reprise se dessine.

Ouf, merci l'inconscient collectif de la planète, et merci aux Français pour ce long sommeil des vacances d'été qui a permis à ce processus de se dérouler en coulisse.

Auto-organisation, on appelle cela dans l'univers, tout aussi fantasmagorique, des nanotechnologies. Des processus automatiques qui gèrent les dossiers difficiles et réparent les dommages. Cà existe dans le vivant, résultat de millions d'années d'évolution, et les illusionnistes de la politique ou de la technologie (nano) nous le resservent comme un processus qui existe naturellement du fait du caractère vachement raisonnable et auto-régulateur de l'économie libérale ou comme une fonction qu'on va créer de toutes pièces et donner aux nano-objets en jouant à être dieu. Nos sommes des démiurges, pensent sans le dire ces physiciens du très petit, ces nano physiciens qui pensent grand !

Evidemment, ceux qui se découvrent chômeurs au retour de vacances, les PME qui n'arrivent plus à financer leur activité quotidienne, bien que les banques aillent mieux, ouf, merci pour elles, ne voient pas bien en quoi cette vision de sortie de crise s'applique à leur vie à eux, à leur vraie vie !

Bon, le CAC est remonté à 3700 points. Air France et ArcelorMittal ont gagné environ 6% hier. Que demander de plus ? Sarkozy va venir en Lorraine avant le fin du mois. Le bonheur !