lundi 20 février 2012

Se déplacer en ville...

Il y a les villes qui ont redécouvert le tram, version moderne du tramway, et ainsi capitalisé sur une image de modernité, portée par des municipalités de gauche, souvent dotées d'alliés verts : Grenoble, Montpellier, Nantes. Il y a celles qui se sont construit un métro, autre grande innovation moderne (le premier métro, celui de Londres, à été construit à partir de 1863).

Et celles qui avaient manqué le train du tram et le coche du métro, car étaient trop petites et pas assez riches pour se les payer. Comme Metz, par exemple, qui est maintenant en train de construire le Mettis, un tram réputé par trop cher, qui est en même temps un clin d’œil à l'histoire locale d'il y a deux milles ans.

C'est intéressant de lire la communication autour de Mettis : claire, didactique, positive, donc de la propagande "bien" faite.

La CA2M, la régie municipale de transport en commun, constate que sa fréquentation chute de 2% par an, ce qui va mécaniquement conduire à la thrombose, un blocage des transports routiers irrémédiable et irréversible. Et elle propose donc une solution innovante à ce problème, qui porte des noms compliqués, TCSP (Transport en Commun en Site Propre), BHNS (Bus à Haut Niveau de Service), histoire sans doute d'insister sur la créativité et la compétence technique en matière d'urbanisme de la communauté de communes, Metz Métropole, qui pilote le dossier et va le financer pour environ 120 millions d'euros et deux ans de travaux pour poser les rails virtuels de ce système sans rails.

Le dossier fourmille sans aucun doute de bonnes idées, comme la fréquence de 3 minutes des véhicules, à la manière d'un vrai métro comme à Paris, les stations dédiées où on peut acheter des tickets, la régularité annoncée de métronome du service,  les parkings en périphérie, pour amorcer une intermodalité des transports de personnes, etc.

Jusque là, tout va bien, puisque les élus résolvent les problèmes que la précédente majorité à laissé pourrir, ou n'a pas résolu assez vite. On y trouve un benchmark sérieux par rapport aux villes qui ont plus d'expérience et on choisit des solutions de deuxième génération, donc optimisées, ce qui permet de dépenser moins et de transformer son retard en avantage. Etc.

Pourtant, le dossier ne parle pas de la ville, de son agglomération, du sillon mosellan, des communes dortoirs, du réseau de transport multimodal et de leur concurrence ou de leur complémentarité, il ne parle que de à CA2M.

Il ne parle pas des lois urbaines comme la conjecture de Zahavi (elle dit que les déplacements quotidiens s'organisent pour minimiser un budget temps à moins d'une heure dans chaque sens) et de la façon dont les usagers y adaptent leurs déplacements quotidiens, tandis que tous les acteurs du moyen terme adaptent les systèmes de transports et les zones urbanisées à cette demande, volens nolens, et surtout sans vraiment le savoir, ni l'analyser.

Par exemple, en quoi le Mettis va-t-il éviter la thrombose ou l'amplifier ? Résoudre la question de l’étalement urbain ? Réduire l'empreinte carbone de l'agglomération ou du sillon mosellan ? On n'en parle point ! Ni avant, pour chercher une solution globale au problème, ni après, pour voir si la solution exhibée pour d'autres raisons répond au moins en partie à ces grands objectifs.

Il y a là comme une question de méthode, de technologie de la gouvernance. Cela ressemble à de l'activisme ordinaire, avant tout réactif et basé sur une vision conservatrice du monde, l'avenir sera à l'image du passé, il suffit d'aller y chercher les meilleures solutions, toutes faites, "out there".

Où est le modèle de l'agglomération, du sillon, qui simule zones construites et transport ? Par exemple à partir de simulations à agents libres ou d'autre chose ? À l'aide, les chercheurs de la ville...!

Et surtout où est cette vision à long terme, qui fait que les villes qui sont fortes et ont du succès ont développé des modèles durables, qui se perpétuent  sur de très longues périodes, des siècles en fait. Voir Paris et Rome ou Chicago et New York.

Les villes chinoises ont été construites autour de concepts développés aux USA dans l'immédiat après guerre et elles ont pris leur essor plus de 60 ans après. Il me semble qu'il s'agit là d'un véritable anachronisme et, de fait, d'une erreur de politique majeure !