samedi 30 juillet 2011

La fin du Monde est prévue... pour mardi prochain !

(dimanche 30 juillet 2011)

Si on en croit les journaux US, la fin du Monde est proche.

Non pas parce que Spielberg va sortir un film sur Tintin inspiré de l'étoile mystérieuse (rappelez-vous, la météorite qui va frapper la terre !), mais parce que les Républicains, qui se sont déguisés aux apprentis sorciers en jouant la montre avec Obama, sont piégés par leur propres ultras de la "soirée du thé" (?, Tea Party) : il y a une chance importante que le pays soit déclaré en cessation de paiement dès mardi prochain, que les bourses dévissent, le dollar aussi, et qu'on soit entrainé dans un maelström qui pourrait tous nous engloutir.

Je n'arrive pas à me motiver sur un pareil sujet, qui ne relève même pas de la politique fiction, mais d'un nostradamisme de café du commerce.

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(mercredi 10 août)

Le message est resté en brouillon, et, une dizaine de jours après, l'apocalypse n'a pas eu lieu, les évènements ayant pris une tout autre direction.

Bavardage incontinent des média, absence de recul dans leurs analyses, besoin d'occuper le terrain, même quand on n'y comprend mais ou qu'on n'a pas grand chose à dire de précis - si on le fait pas, ce seront les autres qui le feront ?

Et cela va permettre à tous ces bloggeurs et autres inconditionnels des forums de nous dire ce qu'ils pensent, tous ces gens qui ne pensent pas, qui pensent mal quand par hasard ils pensent, mais qui veulent absolument, ces gens que je ne connais ni d'Eve, ni d'Adam, me dire avec précision qu'elle est leur opinion. Serait-ce grossier de dire, moi le bloggeur, que je n'en ai rien à f... (ficher) ?

Suite au non-évènement de la cessation-de-paiement-qui-n'a-pas-eu-lieu, la bourse s'est quand même effondrée, de 20%, une paille, et les doctes paraphraseurs de l'actualité de se demander s'il s'agit d'un crash boursier ou simplement d'un coup de spleen...

D'un côté, à ma gauche, il y a mon ami Paul Krugman, qui explique que c'est la crise de 2008, qui ne nous a jamais quittés et qui remet le feu à l'économie, parce que les "rentiers" (en français dans le texte !), les mêmes que ceux qui s'enrichissaient en dormant selon Mitterand, ont pris peur en redécouvrant quelque chose qui n'était pas du tout caché. Eux aussi ont un temps d'attention assez court, comme des gosses hyperactifs pourris par trop de jeux vidéo et de télévision, et ils redécouvrent l'eau tiède, régulièrement.

En fait, ce qui m'étonne beaucoup, c'est comment tous ces acteurs importants semblent réagir à l'intuition, même s'ils ont des modèles qui font des ventes et des achats à la milli-seconde près. Il n'est pas clair du tout s'ils fonctionnent avec des modèles macro-économiques ou leur équivalent pour la planète finance ? Dans tous les métiers du monde, les gens sérieux font des simulations, en très grande quantité, mais qu'en est-il de l'univers de la finance ? A en croire la presse, ils fonctionnent comme des joueurs de casino. Mais la presse aussi pourrait faire tourner des modèles, et il n'est pas clair du tout qu'ils le fassent ! D'où toutes ces analyses purement verbales, qui inondent les éditoriaux et autres op-eds.

Donc, Krugman nous dit que l'économie s'effondre et se contracte par manque de liquidités. Et que les comportements de moutons de Panurge (ou de Lemmings, en anglais) des traders amplifient le phénomène dans une dégringolade en boule de neige, une avalanche chaotique donc. Et que, sauf à relancer l'économie en y injectant des sommes plus importantes que celles qu'on avait mises en jeu en 2008/2009, la chute va être longue et le final enkysté sur une récession sans fin: les sommets étaient hauts et les vallées sont très profondes.

D'autres s'y mettent aussi, pour expliquer que cette chute a commencé il y a bien longtemps et qu'on ne l'a pas vue venir essentiellement parce qu'on a mis en place des subterfuges pour maintenir à grands frais le niveau de vie des occidentaux, des américains en particulier : hausse des salaires des femmes, travail généralisé de ces mêmes femmes (revenu maintenu dans la famille, mais avec deux salies au lieu d'un), réduction du nombre d'enfants par foyer, dumping de l'immobilier (les subprimes), etc. On arrive en bout de course, pénurie de subterfuges, genre club de Rome, et il va falloir constater qu'on ne peut pas vivre indéfiniment au dessus de ses moyens.

Là, j'ai un peu dérapé au delà de la pensée de Krugman, qui pense, me semble-t-il, que ces pénuries n'existent pas vraiment et qu'il serait possible et facile de rebondir, à condition de faire marcher la planche à billet et d'accepter un peu d'inflation.

Bienvenue donc dans la société des riches et des pauvres, dans laquelle les classes moyennes ont été gommées, effacées, atomisées. C'est comme cela que la Rome républicaine a été remplacée par la Rome impériale (panem et circenses, voir les émeutes actuelles en Grande Bretagne, sauf qu'outre-Manche, ils ne se rappellent plus les recettes du passé, et ont fermé les stades... de foot !), qui contenait les germes de sa décadence et de sa disparition. Ou les cités grecques qui venaient d'inventer la démocratie mais l'ont vite perdue.

De l'autre côté, à ma droite, la foule hurlante de ceux qui pensent qu'on a trop dépensé d'argent emprunté à d'autres et qu'il est temps de revenir à un budget plus sain, plus équilibré. On fustige la Grèce (d'aujourd'hui), qui a cru qu'elle pouvait rejoindre les pays riches du nord ouest de l'Europe et vivre comme eux. En court-circuitant les siècles que cela a pris dans la petite UE o aux USA, ou les décennies du Japon, de la Corée, de la fraction de Chine devenue riche. Même chose pour l'Irlande, qui avait eu l'impudence d'afficher des revenus par habitant supérieurs à ceux de la France, par exemple, sur la base d'une richesse achetée à crédit et gonflée par une bulle "verte" (le vert de Saint Patrick, bien sûr !), pour le Portugal, l'Espagne. Ils avaient tous cru que la machine européenne allait enclencher un enrichissement comme celui qui avait réussi chez les dragons d'Asie.

La cohérence de ce côté-là ne me parait guère assurée, sauf si on croit l'idéologie allemande (que le monde entier fasse comme nous, donc exporte, LOL !! et tombe en catatonie dès qu'on parle d'inflation, souvenirs de la république de Weimar obligent !) ou celles de l'extrême droite européenne, ou du Tea Party américain, mutatis mutandis. L'endettement de l'économie US est colossal (10 165 G€ en 2010), par rapport à celui de la Grèce (320 G€), ou de la France (1 551 G€) et celui du Japon pourrait faire pâlir d'envie les américains (8 580 G€). Cela a permis de tirer l'économie mondiale vers le haut... et le niveau de vie des Américains aussi par la même occasion, un quid pro quo qui a paru équitable à beaucoup, de la Chine au Japon en passant par les agences de notation, pendant longtemps. Cela cesse-t-il d'être vrai parce qu'un seuil intuitif, calculé par un non-modèle, vient d'être franchi ?

La croissance, qui a été longtemps synonyme de lutte contre la pauvreté (çà marche toujours dans les BRICS !), ne fonctionne-t-elle par la vertu d'une mécanique dans laquelle les riches prêtent à ceux qui veulent bien les rémunérer et où les banques, plus fortes que les gens riches, ont le droit de fabriquer de l'argent, ce qu'on appelait de la monnaie scripturale quand j'étais étudiant, sans créer automatiquement d'inflation contrairement aux banques centrales qui impriment trop de billets de banque ? Le crédit, moteur de la croissance et du fonctionnement de l'économie au quotidien...

Deux analyses disjointes.

L'une voit l'économie comme un moyen de permettre au plus grand nombre d'hommes de vivre avec dignité sur terre, d'accéder à une part de bonheur, qu'ils soient riches ou pauvres, alors que l'autre protège ses avoirs, ses rentes, ses revenus au nom de règles qui ont longtemps permis à la richesse de tous de croitre, mais qui, lorsqu'on les assèchent, deviennent une expression d'un égoïsme cruel !

Cet après-midi, les bourses ont continué à dévisser, alors on aurait pu croire qu'elles 'étaient ressaisies. Sur une rumeur qui s'est révélée fausse, la dégradation de la note de la France. Un système qui a perdu tout repère, qui a chassé depuis longtemps tout bon sens, qui se suicide en croyant se sauver.

L'Europe, dont le PIB est plus important que celui des Etats Unis, encore la première nation du monde, 16 106 G$ contre 14 24 G$, se comporte comme les marchés boursiers, avec aveuglement, myopie et égoïsme.

Ce n'est pas la fin du monde qui approche, mais le risque de créer plus de pauvres qui grossit !

mardi 26 juillet 2011

Les morts, la mort

Il y a ce fou, en Norvège, qui a tué 90 personnes et cette logorrhée qui a aussitôt saisi la presse. Pour les plumitifs et les emplumés, ils sont aussi stimulants et inspirants, ces morts, que le viol de la femme de chambre par le politicien puissant, ils constituent une source intarissable de mots, de lignes, de pages, d'heures d'antenne.

Moi qui croyais que c'était le changement climatique qui était important, qui méritait discours et paroles, non pour causer et disserter, mais pour réfléchir tout haut aux actions à entreprendre ! Vieil activiste soixante-huitard tourné rationaliste bavard !

J'avais totalement tord, bien sûr.

Il n'y a aucune émotion dans la catastrophe du changement climatique annoncée pour un avenir si lointain et si mal défini; les morts qui surviendront par dizaines, centaines de millions ne comptent pas autant que les morts d’aujourd’hui, qui meurent en direct - on peut presque sentir leur âme qui s'échappe, et aux obsèques desquels on peut se rendre - même si on ne les connait pas, qu'on ne les a même jamais vu qu'à la télé - et sur les livres de condoléances desquels on peut écrire par internet.

C'est comme s'il existait un taux d'actualisation des morts qui fait que les morts de demain comptent peu en regard de ceux d'aujourd'hui. Intéressant pour les économistes qui réfléchissent à la façon d'internaliser les externalités non solvables, n'est-ce pas !

Il y a aussi les morts d'hier, ceux qu'on célèbre dans les fêtes nationales, dans les meetings nationalistes. Ils comptent aussi beaucoup, mais peut-être pas parce qu'ils sont morts il y a longtemps, mais parce qu'on les réintègrent dans le présent immédiat par des discours enflammés, percutants, qui font appel aux émotions un brin vulgaires du public ?

Les morts des centrales nucléaires, qui ne mourront peut-être jamais, si les centrales ne fondent pas dans un syndrome chinois - ou japonais devrait-on dire maintenant ? - comptent aussi beaucoup, beaucoup plus que les morts certains du changement climatique. Ils ne sont pas non plus affectés du même taux d'actualisation tous ces morts, ces morts d'en haut et ces morts d'en bas.

Il y a ceux auxquels on croit et qui font peur, et ceux auxquels on ne croit pas et qui ne font pas peur. Croire, c'est plus fort qu'être. Craindre, avoir peur, c'est plus fort qu'essayer de comprendre, de savoir, de réfléchir...

Etrange arithmétique de la mort.

Les morts du World Trade Center, qui font horreur, et les morts des guerres d'Irak et d’Afghanistan, 100 fois, 500 fois plus nombreux, mais qui ne sont pas décomptés avec les mêmes unités; encore des taux d'actualisation différents ! Ou une loi du talion logarithmique...

Les morts des Fukushima à venir et ceux de qui ne sont jamais sortis des explosions de grisou dans les mines de charbon, ou qui sont mort à mi-vie de silicose, sont aussi comptés par des métriques logarithmiques ! Les morts dont on parle, morts d'une mort dont on a peur, et les morts du silence, les morts d'en bas.

Les morts de faim de la corne de l'Afrique et les soldats français, ou anglais, ou américains tombés au champ d'honneur comme on dit, en Afghanistan, morts en même temps. Mais morts d'en bas et morts d'en haut.

Même dans la mort, les morts ne sont pas égaux !

Quelle force que la mort quand on en parle ! Aussi fascinante que le sexe et le pouvoir, ou toutes ces choses mélangées.