samedi 12 décembre 2015

Vivement lundi matin...


(Pour ceux qui reliront ceci dans quelques mois, dimanche c'est le second tour des élections régionales françaises. Les gens se déchirent, depuis 8 jours, sur la meilleure façon de bloquer le Front National, en s'invectivant de droite et de gauche et en vouant aux gémonies ceux qui posent les questions différemment).

Que se passe-t-il en ce moment en France ?

Les électeurs votent en masse pour le Front National. Sur les réseaux sociaux, ceux qui s'y expriment disent combien ils sont choqués - les électeurs du FN y sont vachement discrets - et ils définissent les enjeux, comme depuis 2002, en expliquant que la seule chose décente, morale, respectable à faire est de bloquer l'arrivée du FN à des postes de responsabilité. Et insultent ceux qui ne pensent pas de cette façon à grand renfort de toutes les filles de la vieille rhétorique, en proposant des raisonnements alambiqués en forme d'aphorismes, en proposant des syllogismes dont la prémisse est fausse, en peignant le LR en rose et le PS en noir. Même les socialistes expliquent qu'il n'y a pas d'autre solution que de voter LR en ACAL, par exemple.

Tout cela ne rime pas à grand chose malgré le nombre de donneurs de leçons et le fait qu'ils ont l'air de bonne foi, même s'ils m'insultent et m'abreuvent de leur mépris, moi qui vais voter pour J-P. Masseret dimanche prochain.

En effet, ça fait 13 ans que la consigne est de contrer le front national et, depuis 13 ans, le score du FN monte, monte, monte. En dehors des périodes qui précèdent le deuxième tour des élections, les gens qui ont le pouvoir continuent à faire leur politique comme avant (BAU) et ils oublient ensuite en 24 heures qu'ils ont été élus par des gens qui ne souscrivent pas à leur programme, ni globalement, ni dans le détail. Ils partagent simplement ce que tout le monde appelle assez pompeusement les valeurs républicaines.

Le Front Républicain est largement à sens unique, grâce à cette trouvaille géniale du LR, le "ni-ni". Quand aux socialos, on ne peut qu'imaginer qu'ils se sacrifient pour pouvoir crucifier, l'heure venue, le LR qui n'aura pas pris ses responsabilités en son temps (maintenant) et aura de facto encouragé le FN. Plus blanc que moi...

Tout cela me parait extraordinairement myope et à court terme.

J'ai voté Chirac en 2002, la mort dans l'âme et rétrospectivement j'ai eu tord de la faire, car la France en a pris pour 10 ans avec la rafale Chirac-Sarkozy et ces années ont été 10 ans de perdu vis à vis de l'histoire. Pendant ce temps-là, comme rien ne changeait et que la paupérisation des classes ouvrière et moyenne augmentait, les scores électoraux du FN montaient, montaient, montaient.

En 2012, Hollande a été élu en expliquant que le changement, c'était maintenant et les socialistes ont alors gagné dans la foulée les législatives et les régionales. Il a promis monts et merveilles - qu'il y ait cru ou qu'il n'ait pas vu comment gagner l'élection en faisant autrement -, les gens ont fait semblant de le croire, puis l'ont renvoyé au bas des sondages quand ils se sont aperçus que le monde ne se pliait pas au savoir-faire du Président.

(ce dessin rappelle La Fontaine, la fable des "grenouilles qui demandent un roi").

Maintenant, une partie d'entre eux vote FN et une autre LR. Il est en effet urgent de changer d'entraineur, quand l'équipe a perdu deux matchs de suite, n'est-ce pas ? Le foot et la politique, c'est pareil ! Et de croire à nouveau aux sorciers qui agitent leurs baguette magique. On appelle même cela l'alternance, moi je dirais plutôt les montagnes russes ou même la roulette russe.

L'urgent, c'est de parler de politique intelligemment, en expliquant que tout n'est pas possible, que ce qui est possible demande du temps, des efforts et du travail à l'international - car le France est une puissance moyenne, qui a peu de moyens d'action à elle seule et qui n'existe que comme élément de l'Europe.

L'urgent, c'est aussi de faire des exercices pratiques.

On pourrait par exemple avoir un groupe permanent PS-LR pour définir une politique consensuelle anti-FN et, comme en Allemagne, proposer un grande coalition et un front républicain durable, précis, concret, organisé autour de propositions de travail et pas seulement un partage de valeurs fugaces, dont on parle beaucoup et qu'on ne voit pas souvent à l'œuvre.

On pourrait aussi laisser le FN arriver au pouvoir dans des postes moins cruciaux que celui de président de la république. Comme un Président de conseil régional.  Ca donnerait une saveur au danger et éclairerait peut-être les électeurs frontistes en leur montrant que la baguette n'est pas si magique qu'ils l'ont cru.

Tout cela, il faudra y travailler dès lundi matin. Sinon, on aura dans 18 mois une Présidente, avec un premier ministre qui pourrait s'appeler Sarkozy.

On pourra aussi, sans avoir l'air d'y toucher, se préoccuper à nouveau des vrais problèmes, comme le changement climatique.

dimanche 6 décembre 2015

Gueule de bois...


La montée du front national semble inexorable. Après le coup de semonce de la défaite de Lionel Jospin, il y a maintenant 13 ans, après mon vote à contre-cœur pour Chirac, rien n'a changé, personne n'a rien compris. Ni les socialistes, encore bien moins les Républicains, ni les verts, ni l'extrême gauche qui se rêvait en Siriza. Ni surtout les électeurs français, qui votent de plus en plus nombreux pour l'extrême droite. Les jeunes votent pour le FN en majorité, les ouvriers aussi, 40% des habitants de Semécourt, ce village de nantis où la vie ne va pas mal ! Ce sont les personnes âgées qui tiennent le cap. Tout est à l'envers.

Faudra-t-il un choc à la Grec, 40% de perte de pouvoir d'achat, un chômage à 20% pour que les électeurs comprennent que le monde ne marche pas simplement  au désir des gens pour une vie meilleure, que le monde n'est plus celui de leur jeunesse ou de leurs rêves, que les politiciens n'ont plus, n'ont jamais eu les moyens de concrétiser les promesses qu'ils se sentent obligés de faire pour se faire élire ?

D'ailleurs, en écoutant Sarkozy hier soir, finalement, il n'y a plus chez lui que le désir d'être réélu, plus aucun sens de l'éthique, plus aucune analyse de la réalité, plus aucun programme en regard. Les gens rêvent, qu'ils me réélisent. Je n'ai aucune recette pour les satisfaire, bien au contraire - voir Rajoy et Cameron, qui tapent autant qu'ils peuvent sur leurs peuples qui en redemandent - mais l'essentiel est le pouvoir car je suis persuadé que les autres non plus n'ont pas de recettes. Plutôt moi qu'eux !

Ce brave Hollande, qui a fait ce qu'il pouvait faire, plutôt bien et avec habileté, mais sans baguette magique, car cela n'existe pas dans le monde réel. Mais les français ne l'acceptent pas que l magie n'existe pas. Et ils votent pour ceux qui promettent à nouveau la lune et qui vont apporter le contraire, encore plus de souffrance et de pauvreté, encore plus de recherche de boucs émissaires et de solutions qui n'en sont pas, encore plus de haine, encore plus de divisions, encore plus de déni de la réalité. Finie la fraternité, finie depuis longtemps l'égalité, quant à la liberté, son avenir parait sombre.

Curieusement, l'ennemi ce ne sont pas les terroristes de l’intérieur instrumentalisés par Daesh, mais l'ennemi de l'intérieur, nourri à la peur, à la crainte des étrangers, à la graine de fascisme. C'est arrivé souvent dans l'histoire que les urnes portent des fascistes au pouvoir, avec les dizaines de millions de morts et les générations perdues que cela a impliqué.

Faut-il, comme les lemmings sauter dans le vide, mais avec un smart phone et en prenant un selfie en tombant ????

Que faire ?

Dire la vérité aux gens. Que la vie est dure et qu'on ne la gagne qu'en travaillant dur, en écoutant les autres, les créatifs en particulier, que le salut ne peut venir d'un enfermement dans des frontières qui n'existent plus depuis longtemps dans la réalité économique. Qu'il faut que les râleurs de tout bord arrêtent et que nous acceptions collectivement de jouer sur nos forces plutôt que sur nos faiblesses et nos lâchetés. 

Voyez l'Allemagne, qui incidemment a annexé l'Europe du fait de la pleutrerie de Sarkozy en particulier, et qui fonctionne avec le soutien de toutes ses composantes politiques pour un pays gagnant. Le front républicain, là-bas, ce n'est pas la confusion ("la fusion c'est la confusion", quel communicant débile a soufflé cette formule aux Républicains ?), mais la gagne. Enfin, la gagne pour l'Allemagne et pas pour le reste de l'Europe, embourbée dans des politiques de contrôle du déficit public, qui sont inutiles et qui ne marchent pas, occupée à ignorer la concurrence fiscale sauvage instrumentalisée par de petits pays traitres et malins, comme le Luxembourg et la Hollande, et à réguler des détails sans grande importance de la vie quotidienne. Et à vendre du rêve, comme le fait que la recherche va relancer l'économie, comme au temps des trente glorieuses.

La prochaine étape est une victoire de la Le Pen aux présidentielles de 2017. Si cela arrive, nous émigrons. En attendant, si l'ACAL, l'Austrasie, passe au FN? nous émigrerons dans la Creuse, à condition que la région Guyène (?) reste à gauche.




dimanche 22 novembre 2015

Les attentats du 13 novembre, Daesh et le Moyen Orient

Je crois qu'on n'avait pas bien compris ce qu'était la mondialisation, jusqu’ici.

Ce n'est pas seulement une astuce pour les grandes entreprises pour générer du chiffre d'affaire dans le monde entier, en profitant de sa croissance quand les pays occidentaux stagnent et en jouant des effets d'échelle et des coûts quasi nuls des transports transcontinentaux en masse - parce que la mer ne fait pas payer de droit de passage, même si on la pollue irrémédiablement en passant !

C'est aussi une façon d'annuler les distances entre les sociétés riches, bien pensantes et sûres d'elle mêmes et de leurs valeurs, et le reste du monde, où la brutalité, la pauvreté et le pouvoir de quelques uns rendent la vie difficile voire presqu'impossible. Des gens de là-bas ont trouvé le moyen d'importer ici, chez nous qui n'avons rien demandé, n'est-ce pas, leurs problèmes, leur violences et leur exaspération. Exaspération est probablement un bien faible mot, compte tenu des centaines de milliers de morts que cela entraine dans l'indifférence des média occidentaux, de la pauvreté rampante, de la domination de peuples entiers par des dirigeants légaux ou illégaux, qui ont usurpé le pouvoir, il y a longtemps, comme dans le Golfe et dans la plupart des pays arabes, ou moins longtemps, comme Daesh ou les régimes égyptien et yéménites.

La façon dont ce court-circuit entre les deux grandes régions du monde a été établi est assez étonnante.

Les extrémistes de là-bas ont profité des frustrations des ados et des jeunes gens de nos pays riches pour les associer à leur cause et à leur vision du monde, jusqu’à ce qu'ils mènent ces affreux attentats de Paris. Parmi ces jeunes, il y a à la fois des gamins des quartiers, en rupture de société, passés à la délinquance et qui ont été "radicalisés" comme on dit sans trop expliquer ce que ce mot explique d'opérationnel et de simples ados de "bonnes familles" qui passent leur crise d'hormones et partent en vrille de cette façon-là. La solution est vieille comme le monde et a été utilisé depuis des temps immémoriaux : c'est la religion, qui promet la justice aux hommes, sur cette terre ou au delà.

Sur la question de la religion, le débat est assez limité.

Les musulmans se contentent de dire que le Coran affirme que tuer un homme, c'est tuer l’humanité entière et donc que les "djihadistes" sont des hérétiques, de la pire espèce puisqu’ils ne savent pas lire les textes religieux correctement.

Du côté des chrétiens, il y a le Pape, qui donne un message de miséricorde pour l’accueil des réfugiés syriens, mais aussi les évangélistes américains, qui ne veulent accueillir personne et les catholiques de Pologne qui ne veulent n'accueillir que les Syriens chrétiens.

Et si le message des religions étaient globalement profondément pervers ? Je ne suis pas sûr d'y croire personnellement, mais au moins doit-on se poser la question. Il n'y a pas le moindre doute qu'il est pervers quand il pénètre dans le champ du politique. Chacun peut penser ou croire ce qu'il veut dans son cœur dans ce registre religieux, mais stop, pas plus loin.

Revenons-en au cœur du débat. Que veut vraiment Daesh ?

Je crois qu'ils veulent ramener le monde à 'état où il était dans le passé, au VIIè siècle disent les experts, en niant toute l'histoire qui s'est déroulée depuis et le développement d'un monde que l'occident a dominé politiquement, culturellement et intellectuellement depuis la fin du Moyen Age. Ce que nous appelions jadis le progrès de la civilisation, avec certains excès que nous regrettons, comme la colonisation du monde, mais des avancées formidables comme la démocratie, la création de classes moyennes affluentes et l'arrière-plan technologique qui est sensé avoir rendu tout cela possible.

L'histoire contemporaine est d'ailleurs une volonté universelle de revenir au passé, pas toujours en en faisant table rase comme le souhaite Daesh, mais en rétablissant des équilibres entre grandes cultures qui ont été détruits en faveur de la "civilisation" occidentale. En l'an 100, Rome et Pékin comptaient chacun un million d'habitants, et la Chine moderne est la remise en place de ce lointain équilibre oublié pendant plusieurs siècle.

Le mouvement de fond, au moyen orient, relève je crois de la même logique : redonner aux peuples et aux cultures qui ont une épaisseur historique une place dans le concert des nations. Tant que les chiites en Irak voudront dominer les sunnites, qui les avaient la fois d'avant dominés, on nourrira Daesh. Tant que les salafistes se sentirent proches de sunnites de Daesh, même s'ils n'approuvent pas tous son extrémisme, tant que les frères musulmans seront massacrés ou exécutés, tant que les flamands et les wallons ne se supporteront pas, tant que les arméniens, tant que les kurdes, tant que le Tutsi, etc... Ne pas oublier les basques, les corses, les écossais, les catalans, etc.

Il y a un besoin urgent de trouver les moyens de faire exister des peuples en imaginant d'autres frontières que celles que l'ONU a sanctuarisées. Sans passer par la guerre pour y arriver.

vendredi 30 octobre 2015

Plaidoyer pour la prospective...


Introduction à notre travail de prospective

Il n'y a pas de doute que la Lorraine est arrivée à une croisée de chemins historique.  Comme la France, l'Europe et la planète entière le sont aussi.
Une période de grandes incertitudes et de défis
Bien sûr, le changement le plus immédiat et le plus visible pour les Lorrains est le redimensionnement des Régions françaises qui emmène la Lorraine vers ALCA, un nouveau cadre dans lequel nous allons collectivement exister, réfléchir et nous redéfinir : nous deviendrons ainsi la deuxième région française en matière d'agriculture, de forêts et de production vinicole par exemple.
La Grande Région aux contours d'Austrasie, dans laquelle La Lorraine a appris à fonctionner en sautant les frontières nationales, existe toujours et nous rappelle que les logiques géopolitiques de demain ne seront pas nécessairement définies par Paris, ce qui est évident au niveau européen, mais l'est aussi à notre niveau plus local.
A une échelle plus large, la France est en crise, l'Europe aussi de même que le monde entier. Crise veut dire changements profonds, remise en cause de nos certitudes, voire de nos valeurs, et incertitude sur les chemins que l'avenir va emprunter.
Une crise comporte de bonnes choses, par exemple le fait que le monde ait atteint ses objectifs du millenium plus vite que prévu, voyant ainsi la pauvreté reculer dans le monde.
Une crise comporte aussi des composantes inquiétantes, porteuses d'incertitudes et de défis à relever - à condition d'en avoir une conscience aigue.  Si on n'y réfléchit pas de façon spécifique, nous serons assaillis par la crainte et tentés par le repli sur nous-mêmes.
Nous pourrions citer la crise économique qui nous accompagne depuis 2008 et qui perdure aujourd'hui encore.  Il n'y a d'ailleurs pas de récit consensuel sur les causes profondes  de cette crise ni sur les mécanismes qui nous ramèneraient vers une croissance retrouvée. Quelles sont les pierres philosophales pour retrouver la croissance, le ressort sur lequel on a basé jusqu'ici nos espoirs de plus de bien-être et d'emploi ? Ou pour nous adapter à un avenir moins matériel, moins lié au PIB, mais qui conserverait le bien-être ?
Nous pourrions citer aussi le changement climatique, qui change déjà notre quotidien. Ses conséquences vont s'amplifier, avec le défi extraordinaire de le limiter et la nécessité de nous y préparer pour nous adapter à ses effets irréversibles.

La nécessité impérieuse de déchiffrer les avenirs possibles
Nous entrons dans une période sombre au sens où il est difficile de voir où nous allons. Nous naviguons sur des eaux agitées, où les vagues sont hautes et heurtent notre bateau de travers. Faut-il alors mettre des lunettes noires pour percer l'horizon ? Faut-il abandonner la barre au pilote automatique ?
La réponse nous parait clairement être NON !
Parce que le génie de l'humanité, des Français et des Lorrains que nous sommes, a toujours consisté à affronter les défis. Il n'y a que cela qui respecte notre dignité.
Et aussi parce qu'on dispose d'un outil pour penser l'avenir et ses défis. Cet outil c'est la prospective, qui a l'ambition et la capacité d'éclairer l'avenir.  La prospective est une discipline inventée à la fin de la seconde guerre mondiale, qui a aidé les Etats Unis et les Alliés à sortir du cauchemar de la guerre. Depuis, elle a guidé des milliers de communautés et de décideurs vers la prise en compte des défis avec réalisme et une vraie efficacité.
Le travail mené par la section prospective a l'ambition de donner à la Région une vision de la météorologie tourmentée qui est devant nous. C'est un travail aussi ambitieux et complexe qu'il est indispensable.
Il ne vise pas à dire ce qui doit être fait – c'est le rôle d'autres instances de dire la politique, mais simplement à montrer les futurs possibles auxquels nous sommes confrontés. Parler de scénarios, sans en privilégier aucun, donc sans se laisser aller à croire que l'avenir ne sera que le prolongement du présent, mais sans céder non plus à une vision trop optimiste de l'avenir, basée sur une confiance dans la technologie et la science, ni au contraire à une vision trop pessimiste, voire catastrophiste pilotée par les inquiétudes légitimes liées au changement climatique et au blocage actuel de l'économie.

La section Prospective a déjà beaucoup déblayé le terrain
La section a réalisé un travail de réflexion large, approfondi et plein d'imagination.
Nous avons réfléchi aux hommes, à travers la démographie et les questions liées à la santé. 
Sur le premier point, l'avenir ne relève pas beaucoup de surprises, à condition que le dynamisme démographique de la Lorraine et de l'Alsace se maintienne et se renforce.
Sur le second, dans une région qui assume son passé industriel et ouvrier en terme d'espérance de vie un peu faible, l'avenir est dichotomique.
La biologie, la pharmacologie et la médecine laissent entrevoir un avenir radieux, avec une augmentation de la durée de vie, surtout de la durée de vie en bonne santé, voire, pour les visions les plus optimistes, un véritable bon en avant.
Par contre, les menaces en termes de nouvelles maladies et d'émoussement de l'efficacité des grands médicaments apportent un contrepoint plus inquiétant.  On peut aussi se demander si nous aurons la volonté et l'imagination pour éviter que les progrès de la médecine n'accentuent la fracture sociale, en excluant les plus démunis et en ne traitant que les hauts revenus.
Le scénario qui sera effectivement suivi trouvera très probablement un chemin médian, zigzaguant entre ces deux futurs contrastés, mais on n'évitera le pire que si on affronte avec audace les défis identifiés, sans s'abandonner aux espoirs d'une technologie rêvée.
Nous avons aussi réfléchi au tissu économique et à ses relations avec l'environnement, notre morceau de planète qui relève d'ALCA. 
En ce qui concerne l'économie, nous sommes en face de deux futurs très différents.
Nous sommes face d'une part à un scénario contrasté optimiste, qui affirme avec force que l'économie est en train de changer de modèle, de paradigme et même de Kondratieff, que nous vivons une nouvelle révolution industrielle basée sur les nouvelles technologies de l'information et de  la communication (les NTIC), qu'on appelle aussi le numérique.  La croissance mondiale devrait repartir, la pauvreté reculer et la culture et la démocratie en tirer un grand bénéfice.
Un autre scénario contrasté imagine au contraire que la croissance est derrière nous, que nous n'avons plus de réserves de productivité sur lesquelles rebondir, ni de ressources sur une terre finie et surexploitée, et que nous nous acheminons vers une stagnation, ou même vers une décroissance. On aurait besoin, dans ce monde-là, d'une transition vers la non-croissance, qu'on a peine à imaginer comme facile à vivre.
Il est probable que nous trouverons là aussi un chemin médian. Et qu'il faudra à la fois tirer fort pour aboutir à une petite croissance, 1 ou 2% – et le numérique nous y aidera, mais aussi veiller à ce que la société ne se fragmente pas plus qu'aujourd'hui.
Le numérique ne suffira pas à conjurer les dangers de la récession. On doit aussi privilégier des activités concrètes, donc basées sur l'agriculture, la foresterie et l'industrie. La Renaissance industrielle, qui est un slogan de l'Union européenne, doit aussi devenir un slogan de la Lorraine, qui a une tradition ancienne et donc une culture et un savoir-faire profonds dans ce domaine, et d'ALCA.
Les activités industrielles liées au numérique et à ses technologies d'accompagnement, comme la fabrication additive, devraient faire partie de ce renouveau.
Mais il faudra sûrement imaginer aussi une ré-industrialisation basée sur des ressources locales, comme l'industrie du 19è et 20è siècles l'a été.  C'est une façon de préserver les activités en les ancrant dans les territoires et d'éviter d'être mis en permanence en concurrence sur les critères les moins disant de la mondialisation.
Les ressources locales sont nombreuses : (1) biomasse basée sur la forêt et l'agriculture, (2) énergies renouvelables basées sur le vent, le soleil et aussi la géothermie, stockage de l'énergie (STEP) sur les pentes vosgiennes,  (3) hydraulique à échelle locale, (4) gaz de houille et pourquoi pas (5) gaz de schiste, dont la Lorraine semble être dotée en abondance, à condition qu'on accepte d'y aller voir, (6) sel gemme du Saulnois et (7) potasse d'Alsace, (8) calcaire des côtes de Meuse, (9) sable et graviers des vallées meusiennes, mosellanes et rhénanes, et, pourquoi pas, (10) houille et (11) minerai de fer, abandonnés lors de la première mondialisation, mais dont les réserves son intactes dans le sous-sol et dont les gisements ultramarins perdent en attractivité. Il y a aussi des possibilités de (12) stockage souterrain des déchets nucléaires et (13) du CO2 : dans ce dernier cas, certaines industries seront amenées à terme à se  rapprocher de sites de stockage de forte capacité. Il y a aussi (14) le bois matériau et (15) le bois énergie ; et (16) la mine urbaine avec ses métaux, dont la ferraille, et ses ressources en matériaux très divers, qu'il conviendra d'exploiter dans le cadre de l'économie circulaire. Enfin, alors qu'on ne considère pas souvent cela comme une ressource, (17) la logistique basée par les grands axes de circulation qui traversent la région, sera aussi une source d'activité importante et de connectivité avec les régions voisines, en assurant le flux de commodités, de biens et de personnes qui sont le sang de l'Europe.
Cette industrie renaissante nourrira les activités tertiaires qui accompagnent toujours cette activité secondaire.
L'environnement est aussi une composante-clé du futur, dans la mesure où on doit le maîtriser pour assurer le bien-être des gens, au-delà de la dimension purement économique de leur vie.
Le changement climatique est une tendance lourde, où les scénarios sont ceux d'une réduction du réchauffement à 2°C, côté des optimistes et une envolée des températures du côté des pessimistes. Dans les deux cas il y aura modification du climat local et des conditions de l'agriculture.  Dans le scénario contrasté le plus pessimiste, une immigration climatique devrait doubler au niveau mondial le nombre de migrants, et cela aura aussi des conséquences sur ALCA, jusqu'à en modifier la démographie.  ALCA a des réponses locales à apporter à la lutte contre le changement climatique. En repensant ses bâtiments, les structures de ses villes, ses réseaux de transport et ses activités industrielles et en transformant la région en zone verte, à empreinte carbone quasi-nulle.
Cela impliquera aussi de traiter convenablement les questions de biodiversité en créant des corridors verts et bleus pour créer des passages au travers du tissu urbain entre les zones rurales ou forestières. 
En matière d'environnement, on est en face de scénarios presqu'uniques, où les choix politiques seront imposés par des contraintes incontournables. Sauf à fermer les yeux et à foncer dans le mur !

Ce travail n'est qu'une étape…
Tout ceci n'est qu'une première étape.
Il reste encore beaucoup de questions à approfondir, autour de l'utilisation de l'espace, de l'urbanisation, de la mobilité, des modes de vie, de la gouvernance et des conflits.
La démarche prospective demande rigueur, travail et donc temps. Du temps, nous en avons encore besoin pour mener jusqu'au bout la démarche entreprise, même si elle apparaît dores et déjà très riche.
Nous vous invitons à prendre connaissance de ce qui a déjà été fait.

Ecrit par JP. Birat


PS. On peut décliner ces questions dans un style formel et soutenu de prospective rigoureuse ou au contraire proposer des nouvelles qui déroulent le même genre de récit, mais de façon beaucoup plus vivante.

Ce texte est une proposition d'introduction à un rapport intermédiaire de la section prospective du CESEL. 

dimanche 25 octobre 2015

China bashing


I am just back from a meeting in Italy, where a US "learned society" (une société savante) organized a local event.  It was thus an effort from an overseas-based entity to reach out to a European beachhead, with some untold strategic agenda - probably to acquire more market share in the world of learned societies.

China was the Arlesian of Bizet in this meeting: it was not represented by any delegates, but was much talked about in several of the key interventions.

China is the largest steel producer in the world, a good enough reason for steel people to be interested in this country. China acquired this position in the early 2000s, when its growth jerked the world economic engine strongly forward and stopped the gloomy period of the "40 piteous years".

The US were the largest steel producer in the 1960s.  They lost that rank to Japan and also to Europe, although Europe is rarely seen as a geopolitical entity in the American press, which prefers to split it into its member states and to emphasize one or two of them, presently the most powerful one, economically, Germany.  A pity, because the second largest steel producer in the world is the EU, which is also the most populated and the highest in GDP.  This is a first example of the fact that how the story is told modifies the vision that is projected! The power of narratives!

China has been investing "crazily" in the steel sector, like in many other basic industries, on the rationale that the building of a modern state is based on a number of core commodities, of which steel is an essential one.  Decisions for investments are made in a decentralized way in China, which creates a competition among provinces and makes it difficult to balance the growth in capacity with the growth in demand: in China, recently, capacity growth has been outpacing demand's.  Moreover, these decisions are based on criteria different from those used in the Western world and expectations for the future are rated indifferent ways.  The result of this is that the steel sector has built more steel mills than it needs to feed its internal market and ends up with an overcapacity estimated at 250 Mt, 1/6 of the world overall production.

The meaning of overcapacity deserves some critical analysis, even though it is usually taken for granted in all the talks that use it - or instrumentalize it. 

First of all, the simpler concept of production capacity is not defined in a completely explicit way: how much steel a steel mill can churn out is a complex matter and steel companies, internally, debate this often and come up with a spread of answers. Let's forget this however for the time being, and assume that some think tank has done its homework properly and has produced an updated list of all the steel mills in the world and of their present capacity. 

Then some kind of reference capacity needs to be defined, in order to get an estimate of OVERcapacity.  The reference, usually, is the current year's production.  This means that overcapacity goes up and down with the structural fluctuations of production, which are common in a cyclic business like steel.  Moreover, when speaking of a particular country, the tendency is to refer to its national market: international trade is usually ignored and the "right" to export or import steel is somehow denied to it by this kind of conventional approach. 

The US, for example, have been structurally operating under capacity and therefore importing steel from Canada, Europe, Japan and Korea.  This happened because the business world there did not believe in steel as a promising activity in which to invest, locally, and it preferred to import steel from abroad, although under strictly controlled conditions - antidumping cases have been filed on a regular basis by steel producers, which has served as a powerful valve to limit the amount of imports.  A less often analyzed matter is that this made it possible for the US steel sector to avoid investing in the very high-grade production, which requires large R&D expenditures and investment in steel mills.  There was a revival of investment in the steel sector in the 1980s and 1990s, but it was based on rebuilding capacity based on EAF,  a much lesser level of investment than an integrated mill, especially since new technology developed in Europe was used (thin slab casting): it could not produce the very high-end steel grades that were imported and thus not disturbing the statu quo of relying on foreign mills to supply the most sophisticated steel for the automotive industry, for example.

In Europe, the narrative about one country flooding a neighboring one is never told, at least not loudly enough to be noticed.  In the EU, the steel association there, EUROFER, is talking about the region as a whole and internal exchanges among member states are a private issue inside the Union.

Now, China is different. With the present arguable definition of overcapacity, it is the country in the world which has built the largest one (300 Mt).  "Trigger happy" investors there have clearly invested above local needs and the mills, now running, are faced with the need to sell their production, which means exporting above their past practice. Either because their cost are low, but, most probably because they are ready to sell below cost (another complicated concept that would need more careful definition) to maintain employment and because costs are not as essential a criterion as in the West.  They export to the whole world, to Europe and the US and undercut the regional prices.  They are perceived as intruders dumping their products in EU and US markets. 

Therefore the whole world starts complaining, filing anti-dumping lawsuits and asking governments for relief.  And meetings, like the one I attended in Italy, are transformed into the antique choir of a Greek tragedy, blaming China for its unethical, anti-social and anti-fair trade behavior.

 This is part of the game countries and companies play and since it follows strict rules, which have been invented to stabilize evolutions, it is probably fine. 

On the other hand, what is important, if one looks beyond SROs, short-term tactics and trends?

In Europe, steel production has not fully recovered since the 2008 crisis and production is still lingering 20% below the 2007 level (209.5 Mt), when it peaked.  Thus the estimate of overcapacity (62 Mt/y) refers to a situation, which is at least 30% below the past (2014/2008).  It amounts to 30% vs. 2008 or 41% vs. 2014.  If the drop in production is taken on board, then the overcapacity is either 1 or 2%. This is a trifle!!! 

Unless, of course, one believes that the drop is structural, as SRO economists would call it.  

This is the key point: either production in 2007 peaked for very specific and time-stamped reasons and production would not have continued to grow afterwards, even without the crisis.  However, what these specificities would be is part of another untold story.  The argument made in 1974, that the 30 glorious years period was coming to an end cannot be reformulated for the present economic conditions: Europe has long stopped being based on infrastructure building!  On the other hand, there is the modern talk about green growth, ecology transition and a decouple between growth and well being from commodity consumption, which is loud but not necessarily a consensus view.  I would not go along this view, with the rationale that material intensity in our economy would not decrease quickly, as the new paradigms based on green growth are actually often more material-intensive than the old technologies. 

I would thus point out that the economy is not yet back on track after the 2009 severe collapse and that this explains the present "apparent" overcapacity.  I would thus argue that this apparent overcapacity is not structural, thus that there is no overcapacity in Europe.

As an aside, the economy in Europe is slowly picking up some strength and this is seen in the SRO for steel production (+2.1% in 2015 and 2.8% in 2016) - at 2% growth, it would take 17 years to get back to the 2007 level.  This is not much and, moreover, the driver for this pick up is not clearly identified, except by those who claim that this is due to strict budget deficit control, which I do not believe for a second!

One must also acknowledge that steel mills cannot be run if the demand has dropped and that productivity gains should also be taken on board to evaluate the capacity (1% improvement per year?).  Thus the apparent overcapacity raises serious issues for steel companies, which cannot indefinitely idle mills, waiting for the economic recovery like waiting for Godot.

Now, back to China. The country is experiencing, quite believably, its transition from a fast growth period similar to the 30 glorious years of Europe and its economy is slowing down, although still growing at 7%, if official statistics are to be believed. Steel capacity has overshot demand, as was said before. 

Therefore the main questions is whether China will make it its policy to export steel massively on a structural basis - like it decided to export solar panels - or if it will let its capacity match its internal needs which will keep growing - in spite of the low SRO projections.  It is not reasonable to project trends, which are necessarily long term, based on  glitches of the production curve, that have a 1 or 2-year period.  I do not believe that China has decided, policy wise, to flood the world with steel, for example like Germany has decided to do in the EU.  The real question is whether China will react quickly enough to readjust its production to its national needs, by closing down obsolete and dirty capacity, which would help it match its climate change targets and solve its city pollution major problem. 

It might be good short term policy to cry wolf and to file lawsuits, but this should not be part of a vision that steel in the West is fighting step by step to resist a future of inevitable decay and decline.  

The production of steel in the world will continue to grow, because steel will continue to be needed to bring more well being to the poor of the world.  Population growth has been reevaluated by the UN in September 2015 and the projection is of 11.5 billion people by 2100 and no peak in 2050, as the previous narrative said.  

Steel will be needed, in China for several more decades, and in Africa for the next 100 years. It will be produced locally but it si also for Europe and NAFTA to decide whether they want to me part of this brilliant future, or not. 

Last, it should not be forgotten that the standard of living in China is growing, that salaries and income in general are also increasing and that operating costs for making steel are getting closer to world standards - actually the sector is selling below cost in its own market. 

And China is entering the modern world of industry, i.e. producing its own innovation, now that it cannot simply use the technology developed elsewhere.

This is not discussed very much in western circles, where China is perceived as a "copy-paste" culture in the area of technology, intent only on generating growth and wealth for the country.  But this has not been a viable model for Japan and Korea in the 20th century.  Why would it be true for China?

mercredi 15 juillet 2015

La Grèce et l'Europe


(rédigé dans la nuit du 13 au 14/07/2015. Le 13 juillet au matin, après une soirée et une nuit de négociations à Bruxelles au niveau des chefs d'état, un accord a été trouvé dans la zone Euro pour y maintenir la Grèce en lui apportant de nouveaux financements de... 80 G€)

Curieux les commentaires qui suivent cet accord. Les gens qui s'expriment en public ont perdu leurs repères et se contredisent, d'une semaine a l'autre, et on a peine à y retrouver les pensées de gauche ou de droite.

Pour traiter ce sujet d'entrée et le laisser derrière nous, la droite française a fait fort ! Sarko a changé trois fois d'avis en trois jours, avec une constante liée à "je tape sur Hollande" et "comment a-t-il pu oser ne pas dire exactement la même chose que Merkel" ? Les autres leaders de l'UMP ont pris partie pour le Grexit, ce qui parait un poil décalé par rapport à la réalité de 3 jours plus tard. Quant aux gens de gauche, ils ne disent pas grand chose - pas plus mal, non ?- probablement un peu perdus par rapport à la dimension de ce qui se passe ! Enfin, la mère Le Pen, semblable à elle-même et sans aucune honte, parle de la mise sous tutelle d'un peuple, ce qui est habile comme d'habitude, parce que ce n'est pas faux.

Oulala, que dire ?

D'une part que l'Europe se perpétue en devenant réaliste, c'est à dire adepte du compromis avec un niveau d'expert. L'Europe étant une gigantesque machine où les peuples se détestent mais néanmoins se débrouillent pour que l'entité supra-régionale se perpétue, on a assisté à un exercice qui laisse les commentateurs français perplexes et qui consiste à trouver, hic et nunc, la solution viable à un problème vraiment inextricable- demain on verra bien et on corrigera plus tard, si besoin est. Dans la vie privée et professionnelle, on fait cela tout le temps, il n'y aurait qu'en politique, lieu du rêve et des fantasmes, ou on ferait différemment ?

Problème inextricable pour beaucoup de raisons.

Parce que la Grèce a été dirigée par des hommes politiques de gauche comme de droite, qui ont menti, triché, fait des paris sur l'avenir qui ont échoué et ainsi conduit leur pays à la ruine. Mais ce n'est pas le premier pays européen qui déconne et certains ont fait bien pire. D'autant qu'avec un peu plus d'habileté, cela aurait pu réussir. L'élargissement de l'Europe avait pour but de sortir les pays périphériques du sous-développement, ça a marché pendant pas mal de temps, allez visiter la Grèce (oui, oui), le Portugal ou l'Irlande et comparez aux images d'il y a 50 ans ! Je crois que l'histoire retiendra que ce pari a réussi - aux convulsions de la crise actuelle près, probablement, mais là aussi on verra.

Parce que la fameuse Troïka a proposé des solutions qui ont étouffé la Grèce et ont démoli son économie au point que ses objectifs, se faire rembourser ses prêts qu'on pourrait qualifier d'usuriers, n'ont pas la moindre chance d'être atteints. Ce qui ne marchera pas avec la Grèce, n'a pas non plus fonctionné ailleurs en Europe. Les politiques d'austérité ont plongé l'Europe dans une crise inutile, importée des USA où elle aurait pu rester, et imposé de grandes souffrances aux pauvres du continent et renforcé les "nantis". En faisant perdurer la crise et en envoyant les commentateurs à la rue, quand ils osent dire que l'Espagne va mieux que la France, alors que la croissance des 6 derniers mois tente de relever un pays qui est encore 7 points en dessous de son état d'avant la crise et affiche 20% de chômeurs (France Info, le journaliste du Monde qui est chroniqueur... économique) ! N'imp de chez n'imp ! Lisez Krugman, Stiglitz, un édito du New York Times de la semaine dernière, ou même le DSK nouveau, eux ils ont un discours réaliste, les premiers depuis 7 ans... tiens depuis le début de la crise !

Parce qu'on a négligé les leçons de l'histoire. Les dettes excessives ont toujours été annulées, au moins les dettes des états. Depuis Philippe Auguste, qui a réglé les dettes du royaume en emprisonnant les Templiers, jusqu'au plan Marshall qui a annulé la dette allemande en 1945 et a même prêté de l'argent au pays vaincu - et à ses voisins aussi.

Il y a aussi au cœur de l'Europe de grandes contradictions, qui ont conduit à cette société de détestation mutuelle dont j'ai parlé pus haut : l'Europe du Nord et celle du Sud, les riches et les pauvres, trois distinctions qui se recoupent a peu près dans la géopolitique actuelle du continent.  On pourrait dire aussi la gauche et la droite. Il y a des cultures très différentes qui coexistent dans l'UE et l'Euro, rappelez-vous les pays mono-chroniques ou poly-chroniques  et la distinction entre contexte fort et faible - d'ailleurs un petit cours de rattrapage sur le management interculturel ne fera pas de mal  aux dirigeants du conseil de l'UE. L'Allemagne insiste avec toute l'intransigeance de M. Schäuble sur le respect des règles dont on sait qu'elles sont la cause d'une grande partie de la crise actuelle : pays monochronique à contexte hyper fort!   En face on a le contraire, côté Grèce, mais aussi France et Italie, plus polychronique, je meurs Tiens, ce sont les trois pays qui ont fait entendre une petite musique un peu différente ces jours derniers, quel hasard !

La solution actuelle n'est ni idéale, ni rose, ni intellectuellement cohérente, puisqu'il s'agit d'un compromis entre gens qui sont en désaccord sur beaucoup de choses. Mais elle a évité le Grexit et, pas loin derrière, la désagrégation de l'Euro et de l'UE qui aurait suvi.

Après ces compromis de dernière minute, survient souvent, presque toujours ? une remise en ordre plus profonde. Les contradictions doivent en effet être dépassées, au moins les plus criantes d'entre elles. L'Allemagne devra donc prendre conscience du fait que la culture des autres pays d'Europe n'est pas la sienne. Difficile, si on pense a ce petit détail qu'a été la nationalisation d'ESTEP par TKS, autre mauvaise décision tout à fait emblématique de la culture teutonne, mais possible. Ce pays a une culture pragmatique. La Grèce devra souffrir encore un peu, surtout les nantis de là-bas. La Troïka devra tirer un trait sur sa dette. Et les économistes devront réfléchir aux modèles de développement, voir comment sortir du sous-développemnt à la bonne vitesse. Et les journalistes devront prendre le sens du temps long, du temps lent... On pourrait par exemple suggérer à Merkel de limoger Schäuble, comme les durs d'Europe l'ont exigé de Tsipras pour Varoufakis. Et on pourrait discuter d'un Suomexit ?

On retiendra dans l'avenir que la crise grecque n'aura pas été seulement une crise auto infligée par la Grèce. Qu'il n'y pas nécessairement eu de gagnants ni de perdants dans la résolution de la rose de juillet 2015.