dimanche 1 juillet 2012

Pour la défense de Jean-Louis Beffa....

... qui n'en a probablement pas besoin. Mais nous avons collectivement réagi en direct à ses propos relatifs à ULCOS (voir par exemple http://quodusquetandem.blogspot.fr/2012/06/lacier-est-il-ringard.html), alors que son message est beaucoup plus large et plus intéressant. Il le développe ou l'encourage dans le centre Cournot (http://www.centrecournot.org/), dont il est co-président, et dans son dernier livre, "la France doit choisir" (Seuil), qui a reçu une forte couverture médiatique.

Mais qui a écouté ce qu'il avait à dire ?

Ce qu'il dit se résume en quelques phrases :

1. l'état doit conserver un droit de regard dans l'économie du pays et y développer une stratégie de long terme (= une stratégie industrielle) par tout moyen "moderne" à disposition (il ne préconise pas le retour au Gosplan !).

2. l'industrie joue un rôle-clé dans l'économie, et doit donc être préservée sur le long terme, encore une fois avec des politiques subtiles, adaptées et durables, c'est-à-dire conduites sur la durée.

3. ce nouveau colbertisme s'oppose au "modèle libéral financier" (sic), qui a conduit au recul de la place de l'industrie en France, laissé ce qui reste de l'industrie entre les mains de financiers, dont la famille Mittal est un parfait exemple, en laissant faire par ailleurs, donc dans le tertiaire qui se développe beaucoup mais a créé un pays hydrocéphale !

4. l'exemple des "bonnes politiques" est donné par l'Allemagne. Qui, malgré des salaires allemands, tient tête à la Chine du fait de la qualité et l'image d'excellence de ses produits.

En plus résumé encore, la mondialisation ne peut conduire à une répartition des activités économiques à l'échelle mondiale, avec une Asie industrielle et une Europe qui ne sait plus innover et croître. Il faut laisser ne art à l'industrie, mais une industrie compétitive et innovante, que les états se doivent d'aider de multiples façons, mais certainement à seule fin de préserver l'emploi.

Qui serait contre ces bonnes idées  et cette analyse subtile de ce qui fonctionne en Europe et de ce qui ne fonctionne pas ?  Qui refuserait de placer le débat à un niveau assez élevé pour dépasser les conflits entre pays de l'Europe et affronter l'avenir ?

De fait, il y aurait beaucoup à dire pour dépasser aussi le discours de Beffa, tel qu'il est exprimé dans ses propos récents.

Rappeler, par exemple, que l'économie a d'abord pour mission de créer du bien-être pour les populations, les peuples (?) qu'ils abritent - je n'ai rien vu d'ailleurs dans Beffa, qui dise le contraire.

Rappeler aussi que l'Europe est le plus grand ensemble économique mondial en terme de création de richesse (PIB en US$ ou PIB en PPP), devant les États Unis, la Chine, etc. C'est sa désunion ou son insistance pour être présentée comme une collection d'états séparés qui fait que cette réalité est la plupart du temps occultée. Donc raisonner au niveau de l'Europe, pas seulement de la France ou de l'Allemagne.

Rappeler enfin que la menace la plus grave c'est le changement climatique, qui va redéfinir les priorités de l'économie et de la politique, surtout si on persiste à ne pas agir pour le contrer, à supposer qu'il en soit encore temps.  Et mettre à mal la mondialisation en tant que principe organisateur de l'économie, tout simplement parce que la logistique ne suivra pas pour cause de météo hyper-instable et de conflits géopolitiques majeures entre les pays dévastés et les autres qui le seront moins...

Si on ferme la boucle de l'argument en revenant à ULCOS et à l'acier. On va toujours avoir besoin d'acier, qu'il devra être disponible localement (à l'échelle au plus européenne, pour ce qui est de l'Europe), et qui va servir à réinventer les technologies robustes qui permettront de survivre tant bien que mal au changement climatique.  Et ULCOS, c'est aussi une contribution majeure à la lutte contre le changement climatique, la transformation de la sidérurgie en industrie verte, etc. Ça peut bien entendu casser le modèle des usines en bord de mer, qui date des années 1960, en redistribuant les cartes autour des défis modernes. Donc donner un avenir à Florange. Mais ULCOS c'est beaucoup plus que cela !

Enfin, le problème de Florange, c'est aussi le résultat de la vision myope et court termiste du modèle libéral financier. La production d'acier en Europe a baissé de 50 millions de tonnes entre 2008 et 2011, ce qui se traduit, n'est-ce pas évident, par des surcapacités énormes, donc des usines à arrêter. Il y en avait au moins deux en 2008 au niveau de toute l'Europe, donc beaucoup plus aujourd'hui. Donc Florange n'a aucun avenir et il serait irresponsable de redémarrer ses hauts fourneaux : mieux vaut y sauver les meubles, donc l'usine à froid ou même le laminoir à chaud, comme un "cadre" anonyme d'ArcelorMittal l’explique à la livraison hebdomadaire de la Semaine (www.lasemaine.fr).

Désolé, mais ce raisonnement prend l'eau de toutes parts ! La chute de production de 30% reflète la persistance de la crise de 2008/2009, pas une tendance lourde pour l'Europe.  Maintenir les fermetures d'usines, c'est s'enraciner dans cette crise, pas en sortir... sauf en fuyant ! Décider que Florange est l'usine à fermer ou à maintenir fermer, c'est aussi une démarche en apparence fondée sur l'analyse sobre des prix de revient des différents sites d'ArcelorMittal, mais de fait une vision à très court terme, pilotée par des gens qui privilégient d'autres sites et par un direction qui n'a plus les moyens financiers de poser le problème sur le marché européen dans son ensemble. Il y a besoin là d'une analyse critique contradictoire...





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