dimanche 17 novembre 2013

Sortie de crise ?

1. la R&D européenne a été un élément important du dynamisme historique de la sidé européenne, à la fois pour le travail qui a été fait et pour le réseautage que cela a créé chez les "experts" européens.

2. la sidé européenne a eu pas mal de difficultés par le passé pour surmonter les crises, qu'elle a toujours commencé consciencieusement par nier. La crise de 1974, celle qui se surnommait la crise pétrolière, a accumulé une foule de problèmes : la fin des 30 glorieuses et donc de la phase de reconstruction de l'économie, très intensive en acier; le début de la globalisation des marchés de matière première et la fermeture à terme des mines europénnes, qui assuraient l'essentiel de la ressource en matière première avant; et l'aveuglement du patronat de l'époque par rapport à une situation qu'il jugeait provisoire et conjoncturelle et qui s'était rempli les poches sans préparer aucun avenir. La CECA n'est pas rentrée très vite dans le mode soins intensifs et la crise de cette époque a duré presque 20 ans (!!!, les émeutes de longwy !!) jusqu'à ce que l'état nationalise en France, puis louvoie et enfin passe la valeur des sociétés par zéro en créant et en mariant Usinor et Sacilor sous la houlette clairvoyante de Mer.  

3. pendant tout ce temps, où l'économie européenne consommait de l'acier mais en niant son importance, car les coûts de modernisation (coulée continue, métallurgie en poche, aciérie de conversion, hauts fourneaux fiables, trains à bande modernes, lignes à froid modernes et continues, etc.) avaient été nationalisés, on a continué à produire de l'acier en Europe, à faire de la bonne R&D, à ensemencer le monde avec nos technologies au travers d'un réseau de constructeurs universels dont il ne reste aujourd'hui (que) des allemands et des italiens.  La commission a un peu tenu la chandelle, tout en tenant des discours sur la post-modernité, les sociétés "soft" sans usines, sans pollution, etc. et avec des services... qui oublient ce qu'ils servent !!!

4. l'EU a l'air aujourd'hui de comprendre 1) que le monde est plus complexe qu'ils ne l'avaient cru, 2) que l'acier est probablement aussi important que le  graphème, 3) donc que la prospérité des européens (qui devient peut-être enfin un objectif, pas seulement la croissance) dépend des technologies de base (KETs) au coeur desquelles se trouvent des matériaux robustes, ancrés à la fois dans l'histoire et dans la modernité comme l'acier, et 4) qu'il faut réindustrialiser l'Europe.

5. pour la sidérurgie, ça me parait mal barré. On a bradé les usines à des groupes étrangers (des indiens, des russes, des fonds d'investissement américains) , dont la stratégie est faite ailleurs, sur un théâtre d'opération mondial ou régional, mais pas en Europe ! Ces groupes font de l'optimisation globale, genre fermer Florange après avoir empoché du chômage technique qui a permis de ne rien décider aux frais du contribuable français. On se balade toujours avec des surcapacités, que seul AM a les moyens de résorber car il a beaucoup d'usines, les autres risquant d'y laisser leur peau [cf. TKS, qui a manqué crever cet été et Riva, qui est sur le bord du gouffre, ou Salzgitter qui est aussi très gravement malade] et donc résistant becs et ongles. La notion de surcapacité n'est pas bien analysée, non plus que le niveau de production auquel on remontera après la fin hypothétique de la crise. Pourtant, c'est fondamental d'essayer et on ne manque pas d'études, qui s'y essaient et dont certaines mais pas toutes sont carrément à l'ouest...

6. question essentielle : est-ce qu'on continue à fermer de fourneaux en faveur de fours électriques ? En clair, est qu'on vise à utiliser à 100% notre ferraile, produite à rythme régulier voire accéléré (les lanceurs d'alerte crient au loup en ce moment, on laisse partir à l'exportation toutes nos ferrailles !), ou pas ? A mon avis, on n'a pas trop le choix et, comme on n'est pas prêt à passer au four électrique pour toute la production à haute valeur ajoutée, il faut continuer de la bonne R&D. Cf. la place que la CC de bande devrait prendre pour gérer le cuivre résiduel et la difficulté d'utiliser la CC de brames minces pour les AHSS (longeur des temps de mise au point et de validation des voies métallurgiques).

7. NdLR: les fours électriques construits dans les années 90 n'ont guère sauvé durablement la sidé, surtout en France !! Cf. la débâcle qu'on a appelée Gandrange ! Que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets dans les années qui viennent !

8. la sidérurgie n'a un avenir que si la chaîne de valeur qui utilise l'acier comprend l'intérêt de disposer d'acier localement, le dit et agit par rapport à ce constat. Or, aujourd'hui, on dit n'importe quoi sur l'allègement des voitures par exemple, et je ne vois pas Renault ou PSA, encore moins BMW ou Daimler Benz, prêts à le faire ou simplement à le dire. Ces gens ont trop de problèmes existentiels liés à leur survie, à leur pérennité, pour voir plus loin dans la chaîne de valeur que des relations impitoyables de clients fournisseurs.

9. il faudrait que les états imitent les méthodes allemandes pour verrouiller le capital d'une boite ou que l'Europe s'en charge - aucune chance sur ce coup-là hic et nunc.  De toute façon, il est trop tard, sauf si les grands groupes s'en vont, découragés, comme AM semble tenté de le faire. Il faudrait accélérer la faillite de TK Steel Europe, reconstruire une sidérurgie italienne sans corruption (!!!), etc... Peut-être donner les clés du royaume à des gens comme voestalpine ou Dilling, à supposer qu'ils en aient envie et que leurs réflexes de petites boites hyper-efficaces puissent encore fonctionner à grande échelle.

10. la vraie sortie de la crise, ce n'est pas de sortir la trousse de secours et de coller des pansements partout, mais de repartir vers l’avant en prenant en compte le changement de paradigme, peut-être de Kondratief  en cours. Après en avoir fait un bon diagnostic. Cela veut dire que la sidé doit continuer à développer ULCOS en prévision du changement climatique déjà bien engagé et conserver le leadership qu'on a eu ou failli avoir dans ce domaine. Et développer la myriade de solutions-aciers liée à la transition énergétique, bien engagée aussi, mais sans clarté dans les directions où elle va... puisque chaque pays va dans sa propre direction à 90° des autres !

Résumé : ré-industrialisation, plus de centralisme de l'économie à laisser entre les mains des européens, recentrer l'économie sur le bien-être des gens, l'emploi, la lutte contre la pauvreté, et pousser les avantages innovants qu'on a ou qu'on va découvrir avec de la R&D bien vue. Donc, aussi, plus d'Europe et moins d'égoïsme et de crispations nationales.

(préparé pour de vraies réunions, importantes sait-on jamais !!)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire