samedi 12 décembre 2015

Vivement lundi matin...


(Pour ceux qui reliront ceci dans quelques mois, dimanche c'est le second tour des élections régionales françaises. Les gens se déchirent, depuis 8 jours, sur la meilleure façon de bloquer le Front National, en s'invectivant de droite et de gauche et en vouant aux gémonies ceux qui posent les questions différemment).

Que se passe-t-il en ce moment en France ?

Les électeurs votent en masse pour le Front National. Sur les réseaux sociaux, ceux qui s'y expriment disent combien ils sont choqués - les électeurs du FN y sont vachement discrets - et ils définissent les enjeux, comme depuis 2002, en expliquant que la seule chose décente, morale, respectable à faire est de bloquer l'arrivée du FN à des postes de responsabilité. Et insultent ceux qui ne pensent pas de cette façon à grand renfort de toutes les filles de la vieille rhétorique, en proposant des raisonnements alambiqués en forme d'aphorismes, en proposant des syllogismes dont la prémisse est fausse, en peignant le LR en rose et le PS en noir. Même les socialistes expliquent qu'il n'y a pas d'autre solution que de voter LR en ACAL, par exemple.

Tout cela ne rime pas à grand chose malgré le nombre de donneurs de leçons et le fait qu'ils ont l'air de bonne foi, même s'ils m'insultent et m'abreuvent de leur mépris, moi qui vais voter pour J-P. Masseret dimanche prochain.

En effet, ça fait 13 ans que la consigne est de contrer le front national et, depuis 13 ans, le score du FN monte, monte, monte. En dehors des périodes qui précèdent le deuxième tour des élections, les gens qui ont le pouvoir continuent à faire leur politique comme avant (BAU) et ils oublient ensuite en 24 heures qu'ils ont été élus par des gens qui ne souscrivent pas à leur programme, ni globalement, ni dans le détail. Ils partagent simplement ce que tout le monde appelle assez pompeusement les valeurs républicaines.

Le Front Républicain est largement à sens unique, grâce à cette trouvaille géniale du LR, le "ni-ni". Quand aux socialos, on ne peut qu'imaginer qu'ils se sacrifient pour pouvoir crucifier, l'heure venue, le LR qui n'aura pas pris ses responsabilités en son temps (maintenant) et aura de facto encouragé le FN. Plus blanc que moi...

Tout cela me parait extraordinairement myope et à court terme.

J'ai voté Chirac en 2002, la mort dans l'âme et rétrospectivement j'ai eu tord de la faire, car la France en a pris pour 10 ans avec la rafale Chirac-Sarkozy et ces années ont été 10 ans de perdu vis à vis de l'histoire. Pendant ce temps-là, comme rien ne changeait et que la paupérisation des classes ouvrière et moyenne augmentait, les scores électoraux du FN montaient, montaient, montaient.

En 2012, Hollande a été élu en expliquant que le changement, c'était maintenant et les socialistes ont alors gagné dans la foulée les législatives et les régionales. Il a promis monts et merveilles - qu'il y ait cru ou qu'il n'ait pas vu comment gagner l'élection en faisant autrement -, les gens ont fait semblant de le croire, puis l'ont renvoyé au bas des sondages quand ils se sont aperçus que le monde ne se pliait pas au savoir-faire du Président.

(ce dessin rappelle La Fontaine, la fable des "grenouilles qui demandent un roi").

Maintenant, une partie d'entre eux vote FN et une autre LR. Il est en effet urgent de changer d'entraineur, quand l'équipe a perdu deux matchs de suite, n'est-ce pas ? Le foot et la politique, c'est pareil ! Et de croire à nouveau aux sorciers qui agitent leurs baguette magique. On appelle même cela l'alternance, moi je dirais plutôt les montagnes russes ou même la roulette russe.

L'urgent, c'est de parler de politique intelligemment, en expliquant que tout n'est pas possible, que ce qui est possible demande du temps, des efforts et du travail à l'international - car le France est une puissance moyenne, qui a peu de moyens d'action à elle seule et qui n'existe que comme élément de l'Europe.

L'urgent, c'est aussi de faire des exercices pratiques.

On pourrait par exemple avoir un groupe permanent PS-LR pour définir une politique consensuelle anti-FN et, comme en Allemagne, proposer un grande coalition et un front républicain durable, précis, concret, organisé autour de propositions de travail et pas seulement un partage de valeurs fugaces, dont on parle beaucoup et qu'on ne voit pas souvent à l'œuvre.

On pourrait aussi laisser le FN arriver au pouvoir dans des postes moins cruciaux que celui de président de la république. Comme un Président de conseil régional.  Ca donnerait une saveur au danger et éclairerait peut-être les électeurs frontistes en leur montrant que la baguette n'est pas si magique qu'ils l'ont cru.

Tout cela, il faudra y travailler dès lundi matin. Sinon, on aura dans 18 mois une Présidente, avec un premier ministre qui pourrait s'appeler Sarkozy.

On pourra aussi, sans avoir l'air d'y toucher, se préoccuper à nouveau des vrais problèmes, comme le changement climatique.

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