lundi 8 octobre 2012

Dur, dur d'être européen...

D'un côté, on a la difficulté d'être de l'Europe, cette riche région du monde, qui désespère, se flagelle et plonge une partie de sa population dans la pauvreté. Des espagnols, autrefois de la classe moyenne, font les poubelles pour trouver à manger : quand on sait que 40% de la nourriture est perdue, on ne sait que dire ! La Grèce annonce sa faillite fin novembre, si l'argent qu'on lui a promis n'arrive pas. Et l'Allemagne continue à expliquer qu'il faut souffrir pour accéder à la rédemption, avec, en petits caractères, l'affirmation que les Allemands en ont assez de payer pour les cigales. En France, un gouvernement socialiste met en place une politique de rigueur budgétaire comme on n'en a jamais vu depuis 30 ans, ou 60 ans, en tout cas sous aucun gouvernement de droite.

Enorme déficit d'Europe, cette structure sans assise populaire, démocratique et médiatique, qui attire les colères, les mécontentements et les chauvinismes primaires, et qui dont on ne voit ni les bienfaits, ni la réalité. L'Europe est la plus riche région du monde en termes de PIB : ni les US, ni la Chine ne font mieux qu'elle ! Mais on ne parle que de ses provinces, l'Allemagne, le Royaume Uni, la France.

Je viens de 4 jours dans un congrès international à Dresde, où les organisateurs, allemands, n'ont parlé que de l'Allemagne, si exemplaire, si riche et si admirable : d'Europe, presque rien, sauf ce que moi j'en ai dit.

Quelle méconnaissance élémentaire de la façon dont fonctionne l'économie et quel oubli de l'histoire !

L'histoire d'abord... L'Europe s'est construite depuis la plus grande guerre mondiale et l'a fait en insistant sur d'autres réalités que le nationalisme étroit ou les égoïsmes nationaux. Les nations sont une inventions du passé et surtout du XIXème siècle, et un autre modèle, basé sur la coopérations de petites structures faisant sens pour leurs concitoyens, valait la peine d'être essayé. Ca a fonctionné pendant 50 ans... encore un petit effort! Ne pas oublier que ce modèle a fonctionné en Grèce, en Allemagne avant que la Prusse ne la réunifie, en l'Italie, avant Garibaldi, et que l'Europe moderne veut réincarner ce passé-là, en lui enlevant l'élément de la guerre.

L'Europe a contribué à permettre aux états de réaliser leurs rêves, par exemple celui de la réunification de l'Allemagne de 1989, qui a d'abord été payé par l'Europe dans son ensemble avant de l'être par les allemands eux mêmes. Comment se fait-il que l'Allemagne ait oublié cela, comme elle a oublié des évènements plus anciens et beaucoup plus douloureux, ces trois guerres mondiales dans lesquelles elle a précipité l'Europe, puis le monde entier ? Pourquoi serait-il de mauvais goût que de le rappeler, quand un peuple entier a l'air de penser qu'il peut fonctionner dans un vide contextuel, international, drapé de ses seules nouvelles vertus, largement auto-proclamées ?

L'économie ensuite...

Le but de l'économie est de créer de la richesse pour que la société dans son ensemble accède à plus de bien-être.  L'économie ne vise pas à protéger un système figé où des rentiers défendent leurs privilèges, mais à s'ouvrir sur l'avenir, donc à créer les conditions d'une croissance qui crée de la richesse, pas seulement de la valeur comme on dit dans les entreprises (beyond GDP, beyond the bottom line).  Pour créer de la richesse demain, il faut emprunter de l'argent auprès de ceux qui en ont, donc les ménages et leur épargne (qui est dans les banques) et les banques elles-mêmes, qui ont le pouvoir extraordinaire de créer de la monnaie sur la base de cette épargne. L'économie, ce n'est pas un système en équilibre budgétaire ou à l'équilibre des échanges, c'est un système qui parie en permanence sur l'avenir et qui le construit en dépensant de l'argent qui n'existe pas encore !!

Le traité européen sur le pacte budgétaire n'est donc, au mieux, qu'un outil pour réguler ce pari sur l'avenir, et au pire qu'une erreur dramatique, qui asphyxie l'économie, empêche la croissance et conduit l'Europe, y compris l'Allemagne dès janvier 2013, dans le mur.  Un mur qui pourrait se révéler si dur que l'Europe et ses états ne volent en morceau pour longtemps. Des raisonnements économiques qui créent de la pauvreté et pas de la richesse. En attendant, peut-être, de plus grands errements. Ne pas oublier que c'est la deuxième guerre mondiale qui a tué une bonne fois pour toute la crise de 1929, pas le new deal, ni le front populaire.

Comment peut-on ne pas voir qu'on répète aujourd'hui les mêmes erreurs qu'au moment de la grande crise ? Malgré Paul Krugmann et quelques autres économistes qui sonnent le tocsin toutes les semaines dans les meilleurs journaux du monde !

D'un autre côté, il y a les entreprises. qui inventent leur forme d'égoïsme... mais cela l'objet d'un autre blog.

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